COVID-19 et laboratoires : dérapages (mal) contrôlés

COVID-19 et laboratoires : dérapages (mal) contrôlés

Les personnes qui ne sont pas familières avec les laboratoires de biologie médicale ne peuvent imaginer l’état alarmant dans lequel la pandémie de COVID-19 a plongé les techniciennes de laboratoire diplômées et les technologistes médicales durant la première vague, et de façon encore plus dramatique dans la seconde.

Travailler sous pression, devoir pallier le manque constant de personnel et endurer la surcharge de travail quotidienne tout en apprenant trop souvent à la dernière minute les nouvelles directives et les changements du milieu fait partie de leur quotidien depuis la mise en place de la réforme OPTILAB.

La pandémie s’est invitée au moment où OPTILAB entrait dans sa phase plus active, alors que les changements devaient se concrétiser, dans un réseau de laboratoires en pleine transition et grandement fragilisé.

Lorsque l’état de crise sociosanitaire a été déclaré par le gouvernement le 14 mars 2020, le réseau public, sur la base de l’expérience européenne, s’est préparé à accueillir un grand nombre de personnes dans les hôpitaux. Pour ce faire, une grande partie des activités hospitalières régulières a été suspendue le temps de la pandémie.

Ce qui semblait être une accalmie pour le personnel des laboratoires s’est vite transformé en une source de surcharge en raison de la gestion des analyses des tests de dépistage de la COVID-19 en microbiologie, de la réorganisation du travail, et des lacunes dans l’aménagement des espaces de travail tout comme dans la clarté des directives en matière de santé et de sécurité. Manipuler des échantillons potentiellement contaminés dont on ne connaissait pas exactement les caractéristiques et les risques, en plus de devoir le faire rapidement et minutieusement, s’ajoutait au quotidien déjà difficile du personnel des laboratoires, qui a malgré tout affronté la tempête avec un professionnalisme et une résilience hors pair.

C’est toutefois au moment où la première vague tirait à sa fin que l’impact de la pénurie de personnel s’est révélé de la façon la plus criante.


Les activités hospitalières régulières ont repris avec le déconfinement. Il a fallu se remettre à faire les analyses mises de côté pour permettre le fonctionnement des blocs opératoires et des autres unités, tout en augmentant le nombre de tests de dépistage de la COVID-19, deux objectifs dont l’atteinte repose sur le rôle essentiel des laboratoires.

Or, qui dit période estivale dit également intensification de la surcharge de travail dans les laboratoires en raison du manque de main-d’œuvre et de relève étudiante. La situation a atteint un niveau critique tel que l’APTS et l’Ordre professionnel des technologistes médicaux (OPTMQ) l’ont dénoncé publiquement en juillet dernier. Et qu’allait-il se passer avec le retour des étudiant·e·s sur les bancs d’école et la seconde vague appréhendée?

Eh bien, c’est à ce moment que les grappes ont commencé à déraper! Avec la fin de l’été le nombre de cas, répartis cette fois sur le territoire québécois, s’est mis à augmenter. Une deuxième vague totalement différente de la première s’amorçait. La demande de tests de dépistage devenant de plus en plus grande, le gouvernement a mis l’emphase sur l’augmentation des prélèvements sans améliorer la situation dans les laboratoires. Tout le système s’est engorgé et les délais se sont allongés.

Nous avons vu apparaître plusieurs solutions bancales dans un climat d’improvisation totale, mises en place par les directions des grappes pour répondre à l’injonction gouvernementale de faire toujours plus de tests. Alors que certaines transféraient des analyses de microbiologie dans d’autres grappes, des grappes ont interrompu des analyses et laissé passer des délais prescrits, alors que d’autres ont conclu des contrats d’urgence avec des entreprises privées pour absorber ce que le système n’était plus en mesure de traiter.

Ce qui a dérapé dans les grappes repose sur l’entêtement du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) à ne pas reconnaître les ratés d’OPTILAB, l’apport concret du personnel de laboratoire de la catégorie 4 et ses demandes de soutien. Il a laissé la situation dépérir à un point devenu critique pour l’avenir des laboratoires du réseau public. Va-t-il enfin poser des gestes concrets, en commençant par l’octroi d’une prime spéciale COVID à ces salarié·e·s qui tiennent les laboratoires à bout de bras depuis le tout début de la crise? Il s’agirait d’un premier pas dans la bonne direction. Pour le reste, le MSSS n’a qu’à nous consulter, nous avons plein d’autres solutions à proposer.

Rédaction Julie Desrosiers | Photo APTS CIUSSS de la Mauricie et du Centre-du-Québec | 23 octobre 2020