Des professions vitales : des membres en témoignent

Des professions vitales : des membres en témoignent

Pendant que la publicité commandée par l’APTS pour rappeler la diversité et la valeur des professions qu’elle représente était diffusée, nous avons contacté les membres qui ont accepté d’y participer pour sonder leurs motivations et témoigner des difficultés que la pandémie a introduites dans leur vie professionnelle.

Karine Banville, technicienne en loisirs


« Je travaille au CHSLD de L’Assomption (CISSS de Lanaudière). J’ai accepté de participer à la publicité pour faire connaître ma profession au public. Très peu de gens savent que nous existons et ce que nous faisons.

Dans le contexte actuel, les technicien·ne·s en loisirs sont en constante réorganisation. Les directives de la Santé publique changent presque tous les jours et nous recevons l’information à la dernière minute. Nous devons changer nos activités, annuler l’appel à des ressources externes (chanteurs, zoothérapeutes, …), rejoindre nos bénévoles, inventer des façons de divertir nos résident·e·s malgré tout, de façon sécuritaire. Nous veillons à les stimuler et à éviter l’isolement en cette période difficile. Tout un défi!

Nous ne sommes que deux technicien·ne·s en loisirs dans les gros centres, voire un·e·seul·e dans les plus petits, et comme en ce moment les bénévoles n’ont plus l’autorisation de venir nous aider, c’est nettement insuffisant! Contraint·e·s de prioriser les activités en petit groupe de quatre ou cinq et les activités individuelles pour des raisons de sécurité, il est difficile de rejoindre nos 150 résident·e·s dans la semaine. C’est triste.

Mes collègues en loisirs et moi souhaitons vraiment que notre profession soit reconnue comme une ressource très importante en CHSLD. Pensez-y, lorsque les personnes hébergées sont en train de faire une activité qu’elles apprécient, elles n’errent pas dans les corridors, sont heureuses et la contention chimique pour diminuer les comportements perturbateurs n’est plus nécessaire. »

 

Jean Boulay, technicien en génie biomédical (GBM)


« Je m’occupe du bon fonctionnement des appareils dans les CHSLD, les CLSC et à l’Hôpital de Maria. Je couvre les établissements de la Baie-des Chaleurs de Matapédia à Paspébiac, pour tous les départements, de la radiologie au bloc opératoire, en passant par les soins intensifs, l’urgence, l’hémodialyse, etc. En régions, les GBM ont rarement un département attitré.

Participer à la publicité m’a semblé une bonne occasion de faire connaître mon travail, méconnu du public. C’est pourtant un très beau métier, pas routinier pour deux sous et plein de défis.

La pandémie a entraîné son lot d’adaptations lors des déplacements vers les autres installations du CISSS, notamment en ce qui a trait à l’habillement et aux zones restreintes. Nous devons porter une attention particulière à la désinfection des équipements et éviter les contacts avec les patient·e·s et les autres membres du personnel. Les procédures ont connu de fréquents changements. Il faut bien vérifier les avis en cas de patient·e·s contaminé·e·s.

Notre équipe assure le roulement quotidien mais si une personne de l’équipe était atteinte de la COVID nous aurions sûrement des problèmes. Un surplus d’effectif nous aiderait à effectuer les nombreux entretiens préventifs.

Nous espérons que la négociation actuelle aboutira à des augmentations de salaire plus élevées que celles de la dernière convention, marquée par l’austérité. Il y a un rattrapage à faire. C’est le cas aussi pour les frais liés aux déplacements, tels que les repas et le kilométrage, qui n’ont pas été revus depuis plusieurs années. »

 

Carole-Anne Fortin, technicienne en travail social


« Je travaille à l’application des mesures au Centre jeunesse de l’Estrie (CIUSSS de l’Estrie – CHUS). J’offre des suivis psychosociaux à des jeunes ayant des troubles de comportement qui vivent en famille d’accueil ou en centre de réadaptation. J’ai accepté de participer à la publicité parce que je crois que chaque pas est important. Je veux faire une différence et participer à la solution.

D’un côté, le contexte de la pandémie a amené certaines modifications à notre organisation de travail qui, en réduisant nos déplacements et en augmentant notre temps disponible auprès des familles, améliorent notre productivité. Je pense au télétravail, aux rencontres en ligne, aux outils informatiques, …

D’un autre côté, certains aspects limitent notre prestation de services : le manque de bureaux, les mesures d’hygiène déficientes au sein de l’établissement, l’engorgement des services externes et des tribunaux, parfois même la fermeture de ces ressources. Il s’ensuit des délais et un ralentissement des processus. Comme tout le monde, nous devons concilier vie familiale et vie professionnelle. Le poids de la gestion de risques est toujours là car nous demeurons imputables de nos dossiers malgré des consignes et des décrets gouvernementaux hors de notre contrôle. Les intervenant·e·s s’exposent aux risques de contagion ou de propagation en assurant leurs suivis auprès des familles.

C’est regrettable que les médias entretiennent une mauvaise image des centres jeunesse. En plus de nuire à la réputation des services offerts en Protection de la jeunesse, ils déprécient le bon travail des professionnel·le·s et compliquent l’embauche de personnel.

Quotidiennement, les intervenant·e·s vivent du stress en prenant en charge des familles vulnérables, ce qui les expose à la détresse psychologique et, éventuellement, implique des congés de maladie. Les mouvements de personnel pour des raisons multiples (maternité, maladie et départ), ainsi que les délais pour combler ces postes, sont à la source de déséquilibres constants au sein de l’équipe.

En raison de la pandémie nous sommes confronté·e·s à des défis particuliers, dont celui de composer avec la frustration des familles qui ne comprennent pas pourquoi les contacts familiaux sont limités, ou qui hésitent à nous laisser entrer dans leur maison alors que nous avons l’obligation légale d’effectuer des suivis. Nous devons respecter tout à la fois les nouvelles consignes gouvernementales et les ordonnances juridiques. Nous devons également observer certaines règles et mesures pour nous protéger individuellement.

L’effectif du Centre jeunesse de l’Estrie est insuffisant, et ce, depuis plusieurs années. Ce qui nous contraint à gérer le risque en permanence. Dans ces conditions, nous arrivons difficilement à remplir les statistiques demandées. Les intervenant·e·s vivent souvent un sentiment d’impuissance, l’épuisement professionnel est fréquent et le roulement de personnel est affolant. Comment alors répondre de façon optimale aux familles et respecter les délais d’intervention?

Des efforts sont mis en place actuellement pour soutenir les intervenant·e·s : le recrutement est constant, des horaires atypiques ont été accordés et on a ajouté des chefs et des spécialistes en activité clinique. C’est bienvenu.

Mais plus encore, il faudrait repenser le fonctionnement de la Protection de la jeunesse, redorer son image et contribuer à redonner un sens à notre travail.

Pour améliorer la rétention et l’attraction du personnel, il est préférable d’offrir des bénéfices et des avantages. En ce sens, nous aimerions avoir un salaire à la hausse, ou du moins une prime spécifique, ainsi qu’une semaine de vacances de plus par année. Des conditions de travail décentes représentatives de la charge de travail que nous portons actuellement nous permettraient de mieux assumer notre mission. C’est la reconnaissance qu’espèrent les professionnel·le·s en Protection de la jeunesse. »

 

Naïma Habba, technicienne en diététique


« Je travaille à l’Hôpital général juif dans les départements d’orthopédie, de chirurgie et, à l’occasion, du prénatal et de gériatrie. Notre travail consiste, entre autres, à faire un premier dépistage de malnutrition, à noter les préférences pour les repas des personnes hospitalisées et à les suivre durant leur séjour.

J’apprécie la publicité parce qu’elle souligne la contribution des employé·e·s de différentes spécialités à l’amélioration de la santé des patient·e·s.

Avec la COVID-19, il y a un plus grand nombre d’unités ouvertes pour absorber l’afflux de malades. Il nous faut plus de temps pour les visiter en raison de leur état de santé qui engendre perte d’appétit, diarrhée, etc.

Les défis sont nombreux. En l’absence de la famille, il faut s’assurer que les patient·e·s reçoivent l’apport alimentaire nécessaire. Les encourager à se nourrir ou les y aider prend plus de temps. Émotivement c’est très dur car les personnes mourantes réclament de voir leur famille. Mes collègues et moi vivons de l’anxiété avant de rentrer dans les unités COVID ou rouges. Il faut s’assurer de bien mettre et enlever son équipement afin d’éviter toute contamination des collègues ou de nos familles.

Le manque de personnel ajoute à la pression car l’éthique professionnelle commande de prendre en charge toutes les personnes admises à l’hôpital. On doit parfois visiter des gens qui ne sont pas dans nos unités habituelles, pour aider des collègues ou les remplacer en cas de maladie.

Comme nous travaillons avec des personnes atteintes de la COVID, nous méritons la prime de risque ainsi qu’une augmentation salariale supérieure au maigre 5 % offert jusqu’à maintenant par le gouvernement. »

 

Jennifer Tremblay, technologue en radio-oncologie


« Je travaille au Centre Intégré de cancérologie du CISSS de Laval depuis bientôt neuf ans, auprès de gens atteints de cancer.

J’ai accepté de participer à la publicité pour donner un peu de visibilité à notre profession car les gens sont peu informés du rôle que nous, les technologues en radio-oncologie, jouons dans le parcours clinique des personnes atteintes du cancer.

En contexte de pandémie, avec le port du masque et la distanciation, il est difficile d’offrir autant d’empathie et de réconfort qu’à l’habitude. Or une des beautés de notre profession c’est la proximité que nous avons avec nos patient·e·s que nous voyons tous les jours pendant plusieurs semaines.

Le cancer ne s’arrête pas parce qu’il y a une pandémie … On a dû faire face à du délestage de personnel, à de nouvelles affectations, de nouvelles responsabilités, tout en gardant sensiblement le même volume de patient·e·s. Nous avons dû mettre en place beaucoup de mesures dans nos départements. Quotidiennement, ce sont des centaines de personnes en traitement qui entrent et qui sortent d’un rendez-vous en radiothérapie, exigeant une surveillance accrue des risques de propagation de la COVID-19. Il faut aussi savoir différencier les symptômes liés à la COVID de ceux qui sont liés au cancer ou aux traitements.

Si les technologues en radio-oncologie sont en nombre suffisant, il est par contre difficile de comprendre pourquoi on restreint l’accès à un poste permanent. Beaucoup de mes collègues demeurent longtemps sur la liste de rappel ou vont d’un remplacement à l’autre. L’absence de sécurité d’emploi rend la conciliation vie personnelle-travail ardue.

C’est pourquoi l’ouverture de postes permanents et la sécurité d’emploi pour celles et ceux qui sont sur la liste de rappel depuis longtemps seraient plus que bienvenues… tout comme une augmentation de salaire qui reflète la valeur de notre contribution. »

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Rédaction: Chantal Mantha  |  Collaboration Lucie Proulx