Éditorial

Investir au féminin

Investir au féminin

Sans savoir quelle sera l’issue de la négociation pour le renouvellement de la convention collective des membres de l’APTS, je peux d’emblée affirmer que le gouvernement fait une erreur de calcul. Il ne prend pas la pleine mesure d’un élément déterminant de l’équation dans ses solutions pour résoudre les problèmes criants du réseau de la santé et des services sociaux: la nécessité de miser sur l’attraction et la rétention de personnel qualifié.

Soucieux de maintenir sa popularité et de se démarquer par sa gestion de la crise sociosanitaire, le gouvernement caquiste a multiplié les annonces d’investissement en santé et services sociaux au cours des derniers mois. Quelques exemples…

En novembre 2020 il octroie 100 M $ pour l’accès aux services en santé mentale, quitte à recourir aux psychologues en pratique privée. Un financement qu’il bonifie de 10 M $ en décembre pour les services destinés aux jeunes aux prises avec un premier épisode psychotique. Six mois plus tard on apprend que l’interminable liste d’attente aurait été réduite de moins de 3 %, notamment parce que les psychologues du privé ne répondent pas à l’appel.

Après avoir investi 48 M $ en juillet 2019 pour le déploiement du programme Agir tôt, ciblant les enfants qui présentent un retard de développement ou un trouble d’apprentissage, le personnel psychosocial des CLSC a été délesté durant la pandémie, celui-là même qui devait réaliser cet important travail de prévention.

Au lendemain du dépôt du rapport de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse, le ministre délégué s’est engagé à « répondre avec diligence et rigueur aux recommandations ». Notez qu’en guise de réponse une directive circulait quelques semaines plus tard dans les établissements, recommandant de ne pas afficher de nouveaux postes de manière à empêcher les intervenant·e·s des centres jeunesse de postuler ailleurs.

À la fin mai, le ministre délégué Lionel Carmant a injecté 21 M $ dans l’offre de services en réadaptation comportementale, qui se sont ajoutés aux 30 M $ déjà octroyés pour accroître les places en hébergement pour les personnes ayant une déficience physique (DP), une déficience intellectuelle (DI) ou un trouble du spectre de l’autisme (TSA).

Cherchez l’erreur.

Ces belles ambitions d’amélioration des services au bénéfice de segments de la population en grand besoin de soutien spécialisé se heurtent toutes à un obstacle commun : le manque de ressources pour élargir l’accès et réduire l’attente.


Les millions auront beau pleuvoir pour favoriser la création de nouveaux postes, encore faut-il qu’il y ait des gens dûment formés pour les occuper. La multiplication des postes vacants n’a jamais rien réglé.

En refusant de bonifier les conditions de travail des salarié·e·s du réseau public, le gouvernement « se tire dans le pied ». La relève ne se bousculera pas pour faire carrière dans des milieux où le quotidien peut s’avérer stressant, contraignant, voire éprouvant selon les secteurs, tout en étant payée moins cher qu’ailleurs pour des emplois équivalents. Il est bien révolu le temps des vocations féminines ou des maris pourvoyeurs. Qui a envie d’être payé·e au féminin en 2021?

Si le gouvernement a vraiment à cœur les groupes vulnérables auxquels il fait des promesses, s’il veut vraiment atteindre ses objectifs, s’il veut faire progresser ses chantiers, il doit s’assurer d’avoir les outils nécessaires. Et en matière de santé et de services sociaux, c’est de ressources humaines qualifiées et engagées dont il a besoin avant toute chose. Pour qu’ils rapportent dans l’avenir, c’est vers vous que les investissements devraient être dirigés.

Rédaction Robert Comeau | 4 juin 2021

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