Budget du Québec 2022-2023 : la clarté dans le brouillard

Budget du Québec 2022-2023 : la clarté dans le brouillard

Mardi dernier, le ministre des Finances du Québec a déposé son dernier budget avant la prochaine campagne électorale. Nous y apprenons que, malgré la pandémie et le choc budgétaire qu’elle provoqua, les finances de l’État demeurent bonnes.

Le ministre Girard nous a présenté un document qu’il prétend d’une grande clarté. Cependant, plusieurs zones d’ombre demeurent :

– 1) le cadre financier gouvernemental semble incomplet,
– 2) les dépenses dans le réseau de la santé et des services sociaux (RSSS) demeurent insuffisantes et
– 3) les annonces pour améliorer les conditions de travail du personnel du réseau nous laissent sur notre faim. Voici les détails.

Un cadre financier qui prépare les élections

Selon le document budgétaire, l’année qui débute sera encore déficitaire à hauteur de 3 G$ (6,1 G$ quand on tient compte des versements au Fonds des générations). L’an prochain, nous serons déjà en zone d’équilibre et, par la suite, le gouvernement prévoit des surplus pour l’horizon 2026-2027. À la fin de cette période, le ministre des Finances prévoit un déficit structurel de 2,8 G$.

Disons-le clairement, ce manque à gagner n’existe qu’en raison des choix budgétaires du gouvernement. En maintenant les versements au Fonds des générations à une hauteur oscillant entre 3,4 G$ et 5 G$, c’est l’obsession de la dette qui crée ce déséquilibre. Actuellement, le Québec atteindra et dépassera ses objectifs de gestion prudente de la dette. Aucune raison ne vient alors justifier le maintien de ces versements, qui créent une pression artificielle sur les finances de l’État.

Le gouvernement semble en avoir conscience cependant. Dans le budget, il annonce candidement que les objectifs de la loi sur la réduction de la dette seront revus lors du budget de l’an prochain. Cela indique que le gouvernement Legault réserve ses annonces pour sa tournée électorale de l’automne. C’est la version « soft » d’un budget électoraliste : le budget contient peu d’annonces et est très prudent dans ses prévisions, ce qui libère beaucoup d’espace en août prochain pour multiplier les annonces lors de la campagne à venir.

Un bouclier pour le financement de la santé et des services sociaux, ça presse

Ce budget est passé à côté d’une belle occasion, soit de régler une fois pour toutes le sous-financement des services à la population hérité de la période d’austérité des dernières années. Pour éviter toute dérive future et de nouveaux cycles de compressions, l’APTS avait suggéré dans le cadre des consultations de l’hiver dernier de mettre en place un bouclier budgétaire pour protéger le financement du RSSS. Notre idée est simple : il faut éviter de vivre à nouveau un cycle de compressions et de réinvestissements qui, à terme, ne fait que déstabiliser le RSSS et épuiser son personnel. Voyons comment cela pourrait fonctionner.

  • Chaque année, le gouvernement devrait confier le mandat à la personne Vérificatrice générale du Québec de produire une analyse des crédits nécessaires pour maintenir le niveau des services offerts par le RSSS et répondre aux nouveaux besoins populationnels.
  • L’établissement du niveau de financement du RSSS devrait alors se baser minimalement sur les sommes indiquées.
  • Avec la loi sur l’équilibre budgétaire et celle sur la réduction de la dette, le ministère des Finances a activement contribué à soumettre ses activités à une série de contraintes légales depuis 25 ans. S’il est alors acceptable de restreindre la marge de manœuvre du gouvernement au nom de l’équilibre budgétaire et de la diminution de la dette publique, pourquoi ne pourrait-on pas appliquer le même type de contraintes légales au financement des soins de santé et des services sociaux?

Avec ce mécanisme en place, le financement des services à la population serait augmenté, dès cette année, de 1,5 G$.

L’attraction-rétention : meilleure chance la prochaine fois!

Pour les 5 prochaines années, le gouvernement prévoit investir 5,2 G$ pour « rétablir le système de santé et de services sociaux ». Malheureusement le budget ne contient pas grand-chose de concret. Il y a bien entendu des annonces intéressantes concernant la gestion locale des horaires de travail ou encore l’amélioration de la conciliation famille-travail. Il y a aussi de beaux principes stipulant l’importance de l’amélioration des conditions de travail du personnel du RSSS.

Chaque fois, le document budgétaire ne nous donne pas beaucoup d’éléments pour juger des effets structurants de ces beaux principes mais indique la volonté du gouvernement de « moderniser » l’infrastructure informatique du réseau.

Espérons que le ministre de la Santé et des services sociaux, Christian Dubé, nous en dira plus lors de son annonce sur la « refondation » du réseau.

rédaction Philippe Hurteau, Responsable à la recherche | 24 mars 2022