COVID-19 : la privatisation sournoise de la santé

COVID-19 : la privatisation sournoise de la santé

Le réseau de la santé et des services sociaux (RSSS) est à la croisée des chemins. Le personnel est épuisé, les services à la population se détériorent et nos personnes âgées sont abandonnées à leur sort. Ce n’est pas nouveau.

L’austérité des dernières années, la réforme dévastatrice de l’ex-ministre Barrette et les multiples incursions du privé ont non seulement sapé le moral des troupes, elles ont carrément mené le réseau au bord du gouffre.

Malheureusement, rien n’indique que le gouvernement Legault est conscient de la gravité de la situation. Les négociations de nos conditions de travail piétinent, les promesses de nouveaux engagements financiers demeurent insuffisantes et les conditions de travail qui ne cessent de se dégrader incitent de plus en plus de salarié·e·s à délaisser le réseau public pour le privé.

Nous comprenons que le gouvernement ait dû sortir des sentiers battus, en mars dernier, face à l’urgence de la situation. Il est difficile de faire preuve d’autant de compréhension six mois plus tard. Nous assistons en effet en ce moment à une augmentation des contrats de gré à gré entre le RSSS et des entreprises privées.

C’est à se demander si le gouvernement n’utilise pas la pandémie comme prétexte pour confier au secteur privé une plus grande «part de marché» en santé.


Voici quelques exemples :

  • utilisation de laboratoires appartenant à une multinationale américaine (l’entreprise américaine LabCorp détient la majorité des parts de Dynacare pour les tests de COVID-19);
  • recours à des agences de placement de personnel dont certaines, comble de l’ironie, sont la propriété de cadres du réseau;
  • déplacement d’activités régulières en cliniques privées, dont les psychologues en pratique privée pour pallier le manque de ressources en santé mentale;
  • financement accru des résidences privées pour personnes âgées en lieu et place de leur intégration au secteur public.

Pourquoi il faut s’inquiéter

D’abord parce que la présence du secteur privé en santé nuit à l’accès aux soins. Nous le disons sur toutes les tribunes depuis des années. Quand on confie la prestation de services au privé, on en conditionne l’accès à la capacité de payer de chacun·e. Donc, les personnes moins fortunées se privent de soins essentiels tandis que celles de la classe moyenne voient leur endettement augmenter pour payer leurs factures.

On nous rétorque que cela est faux parce que bien souvent le payeur du service demeure l’État. Dans les faits, les cliniques privées se cantonnent aux actes plus simples, moins à risque de complications, et le réseau public doit prendre en charge tout le reste, dont les cas les plus lourds.

Pendant que des ressources financières sont redirigées dans les coffres d’entreprises à but lucratif, le RSSS doit assurer à tous et toutes leur droit à la santé.

Comprenons-nous bien. En tant que personnes techniciennes et professionnelles du réseau, nous sommes fières d’améliorer au quotidien la vie des Québécois et des Québécoises. Nous sommes fières d’être là pour la population en ces temps difficiles. Mais nous sommes fatiguées et révoltées. Que Québec utilise la crise actuelle pour fragiliser davantage le RSSS et, par conséquent, ses salarié·e·s est absurde et complètement démotivant.

La tragédie des derniers mois doit nous donner le courage de regarder les choses en face : notre réseau de la santé et des services sociaux n’est plus que l’ombre de lui-même et cela attise la convoitise de ceux et celles qui veulent le transformer en machine à profit, au détriment de la santé de la population.

Nous ne les laisserons pas faire.

By Andrée Poirier, APTS president

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