Prix SRS : une ergothérapeute récompensée pour sa contribution pendant la pandémie

Prix SRS : une ergothérapeute récompensée pour sa contribution pendant la pandémie

Cette année encore plusieurs membres de l’APTS ont vu leurs projets récompensés par les prix « Stars du Réseau de la Santé » de la Caisse Desjardins du Réseau de la santé (Prix SRS). Dans la catégorie Performant, la première position va à un protocole de mise en position ventrale déployé en un temps record pour soulager la détresse respiratoire des personnes atteintes de la COVID-19. Geneviève Thériault-Poirier, qui pratique comme ergothérapeute au CHUM et a soumis le projet, a accepté de nous en parler.

Pourquoi avoir développé ce nouveau protocole?
Lorsque la COVID-19 a commencé à déferler sur l’Europe, nous avons porté une attention très particulière à ce qui s’y passait et avons rapidement compris que le décubitus ventral, une pratique qui consiste à placer les patient·e·s souffrant de détresse respiratoire aiguë sur leur thorax antérieur et leur abdomen afin de faciliter les échanges gazeux, allait être crucial.

Or cette pratique est laborieuse, dispendieuse et peu accessible : elle suppose la location d’un lit spécifique, implique de se familiariser à chaque fois avec le matériel loué et requiert jusqu’à 15 personnes pour que le·la patient·e soit déplacé·e de façon sécuritaire. De plus, seule une dizaine de lits est disponible au Québec, et on comptait plus d’une vingtaine de personnes en ventral par unité en France. Nous allions donc faire face à un énorme enjeu de matériel et devions par conséquent trouver une méthode alternative.

Comment s’est déroulée l’élaboration du protocole?
À deux semaines à peine de l’arrivée des premiers cas au Québec, l’équipe s’est constituée pour mettre à profit l‘expertise des médecins intensivistes, de l’infirmière clinicienne, des inhalothérapeutes ainsi que la mienne, en ergothérapie. Nous avons regardé de nombreuses vidéos de méthode, colligé les différents protocoles existants, puis adapté et bonifié ceux-ci en fonction de notre réalité. Tout le monde a mis la main à la pâte et personne n’a compté ses heures. L’important était de faire face à cette arrivée massive de patient·e·s et de s’assurer que les équipes allaient être outillées pour les placer sans accident.

En quoi votre expertise en ergothérapie a-t-elle été bénéfique?
Les ergothérapeutes sont souvent interpellé·e·s lorsque des problèmes de soutien, de positionnement et d’alignement du corps se présentent. En l’occurrence, et puisque les patient·e·s allaient être placé·e·s longtemps dans la même position, il s’agissait de déterminer laquelle serait optimale pour prévenir les plaies de pression, les contractures et les compressions nerveuses, et ainsi éviter de prolonger leur séjour au-delà de ce qui était nécessaire à leur rétablissement de la COVID-19.

Puisque la vision globale de l’ergothérapeute permet également d’anticiper et de limiter les risques potentiels de blessures, j’ai aussi été sollicitée à titre d’observatrice externe en ce qui avait trait à la fixation des tubulures : où fallait-il les placer pour que le personnel ne soit pas gêné ou ne doive pas déplacer une poche de perfusion en cours de retournement? Dans quel sens? Comment fallait-il les fixer pour qu’elles ne se décrochent pas?

Geneviève Thériault-Poirier a notamment été responsable de l’élaboration d’un coussin sur lequel placer la tête des patient·e·s.

Enfin, j’ai été responsable de l’élaboration d’un coussin sur lequel placer la tête des patient·e·s une fois le décubitus effectué. Si de tels coussins existent déjà sur le marché, en gel par exemple, s’approvisionner risquait d’être très long et il fallait faire preuve de créativité en ayant recours à des matériaux facilement accessibles. En a donc résulté un coussin « fait maison » à partir de serviettes disponibles sur toutes les unités, de cordon et de mousse alvéolaire.

L’interdisciplinarité semble avoir été la clé de la réussite de votre projet…
Assurément. Du jour au lendemain, la menace que représentait la COVID-19 a fait tomber toutes les barrières et nous a permis de réaliser à quel point la mise à contribution de l’expertise de chaque membre du personnel soignant était essentielle. Les médecins intensivistes veillaient à la gestion respiratoire et physiologique, l’infirmière était en charge du filage et de l’orchestration de la manœuvre, les inhalothérapeutes s’assuraient de la stabilité des branchements et avaient la responsabilité de donner le feu vert à la procédure… Même des personnes qui n’ont pas été impliquées dans le développement du protocole à proprement parler se sont avérées indispensables. Je pense notamment aux préposé·e·s aux bénéficiaires qui, à la suite de leur formation à cette méthode, ont contribué à son optimisation avec leur expertise et leur expérience. Grâce à tout ce beau monde, nous avons réussi à faire face à un flot de patient·e·s nettement plus élevé que d’habitude, mais aussi à diminuer de moitié le temps et le nombre de personnes requis lors de la procédure. Nous étions soudé·e·s face à l’adversité. J’envisage difficilement aujourd’hui de revenir à un mode de travail en silo dans de futurs projets.

Vous souhaitez implanter ce projet au sein de votre établissement?

Contactez Phébé Gagnon-Courville, infirmière clinicienne en pratique avancée, pour en savoir plus.

Rédaction Leïla Asselman | 7 juillet 2021