Regard sur l’année parlementaire

Regard sur l’année parlementaire

La première année parlementaire du gouvernement de la Coalition Avenir Québec (CAQ) a pris fin le 16 juin. Pendant que les analystes y vont de leur bilan, nous vous proposons une analyse maison, aux couleurs de notre organisation syndicale.

Personne ne remettra en question le fait que l’élection d’un nouveau gouvernement a fait du bien. Le changement de ton qui a caractérisé le discours politique depuis l’arrivée de la CAQ a été un baume appliqué sur les blessures infligées par des années d’austérité et, dans le domaine de la santé et des services sociaux, d’autoritarisme. L’APTS a tendu la main à la nouvelle ministre, Danielle McCann, dès son entrée en fonction, et a souligné l’appel à plus d’humanité lancé par le premier ministre Legault lors de son discours inaugural.

On n’est pas loin de pouvoir dire que l’APTS a rencontré plus d’élu·e·s et de hauts fonctionnaires au cours des derniers six mois que durant tout le précédent mandat libéral. Danielle McCann et Lionel Carmant (ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux), ont non seulement rencontré les représentant·e·s officiel·le·s de l’APTS, mais ont aussi pris le temps d’échanger avec des gens du « terrain ». C’est ainsi que le 10 mai, au cœur de la crise qui a ébranlé les services de protection de la jeunesse, le ministre Carmant a participé à une rencontre réunissant des représentant·e·s des membres de l’APTS qui travaillent dans les centres jeunesse. Ce groupe, comme plusieurs autres, a grand besoin de cette ouverture et de cette empathie pour retrouver l’espoir de jours meilleurs dans le réseau qui les emploie.

Au moment du dévoilement du budget 2019-2020 en mars, nous avons applaudi la hausse importante (plus de 13 %) des fonds dédiés au programme destiné à soutenir les personnes âgées en perte d’autonomie. Difficile de ne pas se réjouir de cette annonce!

Nous avons aussi salué le rétablissement, avec un budget conséquent, du poste de Commissaire à la santé et au bien-être dont nous avions dénoncé l’abolition sous les Libéraux.

Une continuité regrettable

Au-delà de la reconnaissance de l’attitude ouverte et de l’écoute dont a fait preuve le gouvernement, nos attentes ont-elles été satisfaites?

Malheureusement, quand on fouille un peu, on en vient à se demander si la CAQ n’est pas en train d’emprunter les ornières tracées par les gouvernements précédents au cours des 15 dernières années.


Malgré le réinvestissement de 5,4 % en santé et services sociaux, plusieurs programmes subissent toujours l’austérité budgétaire. Ainsi plusieurs doivent composer avec des budgets qui évoluent sous les coûts de système : Santé publique (1,3 %), Déficience physique (1,3 %), Déficience intellectuelle et trouble du spectre de l’autisme (1,5 %), Jeunes en difficulté (2,8 %), Dépendances (1,0 %), Santé mentale (2,8 %) et Santé physique (1,8 %).

C’est d’autant plus injustifié que Québec enregistre des surplus records pendant ce temps! Nous ne disposons pas encore d’un portrait final de la dernière année, mais les données les plus récentes indiquent un surplus de 9,1 G $ avant les versements au Fonds des générations.

L’an prochain, le gouvernement prévoit être en équilibre budgétaire, ce qui ne l’empêche pas d’avoir déjà identifié des cibles de compression, dont 300 M $ en santé! (On se demande bien où il entend trouver ce « gras » à éliminer dans un réseau qui peine à respecter le principe d’accessibilité des services pourtant inscrit dans la loi.)

Dans les faits, à moins qu’une récession économique survienne, il est presque certain que la situation des finances publiques serait bien meilleure que ce que la CAQ prétend. Héritée du dernier gouvernement, la pratique consistant à sous-évaluer systématiquement les surplus permet de limiter les réinvestissements. Et, à terme, ces surplus serviront à rembourser la dette et/ou à réduire les impôts, au détriment d’un financement adéquat des services publics.

Des orientations à revoir

Le gouvernement Legault ne s’est pas distancé de certaines orientations néo-libérales des gouvernements précédents.

Ainsi, Québec poursuit le développement de partenariats avec des cliniques de santé privées (PPP) au lieu de financer les services publics. Pensons à l’entente prévoyant le transfert de chirurgies à la clinique Rockland MD, même en l’absence de listes d’attente, au rétablissement du remboursement des échographies effectuées dans des cliniques privées qui drainent les ressources humaines des établissements publics, etc.

Véritable détournement des fonds publics, ces PPP permettent aux cliniques privées de prendre les cas les plus simples et de démontrer ainsi qu’elles sont plus « efficientes ». Ils pourront servir par la suite de justification à l’extension du recours au privé.

L’arrivée d’un nouveau gouvernement n’a pas non plus signifié une remise en question des méthodes de gestion calamiteuses inspirées de la nouvelle gestion publique et de l’obsession de générer des statistiques aux seules fins de contrôle administratif. L’Outil de cheminement clinique informatisé (OCCI) constitue un exemple contemporain de ce type de dynamique, qui tend à déshumaniser les soins et services et à gruger la part du jugement clinique des professionnel·le·s.

L’adoption d’une modification à la Loi sur l’équité salariale a été une autre source de déception. Elle est venue illustrer que l’écoute et les belles paroles du premier ministre et de ses ministres ne se traduisent pas nécessairement en gestes politiques. Tenu de donner suite au jugement de la Cour suprême sur le maintien de l’équité salariale, le gouvernement a refusé le principe de versement d’une rétroactivité au moment où les changements dans l’emploi sont introduits. Il perpétue la discrimination salariale en adoptant le projet de loi no 10 (Loi modifiant la Loi sur l’équité salariale afin principalement d’améliorer l’évaluation du maintien de l’équité salariale).

Le gouvernement ne semble pas déterminé à réaliser son engagement à réformer le mode de scrutin d’ici les prochaines élections. Son manque de diligence risque fort de laisser en place pour quatre ans de plus un système qui n’assure pas une bonne représentation de la volonté de l’électorat, en plus de nuire à la parité homme/femme en politique.

C’est pourquoi un regard critique sur la vie politique s’impose en toutes circonstances, malgré les promesses de faire autrement et l’approche empathique. Trop souvent les bottines ne suivent pas les babines.

Rédaction Philippe Hurteau et Chantal Mantha | 20 Juin 2019