Recours croissant à la main-d’œuvre indépendante dans la catégorie 4

Recours croissant à la main-d’œuvre indépendante dans la catégorie 4

Depuis le début de la pandémie, en mars 2020, nous avons beaucoup entendu parler de la place qu’occupent les agences de placement dans le réseau public et des effets de l’utilisation de la main-d’œuvre indépendante (MOI) sur la propagation du virus dans les établissements. On sait depuis longtemps que la présence de MOI est source de problèmes dans le réseau. Ce qu’on connaît moins, c’est l’ampleur de ce phénomène et son impact sur la catégorie 4.

Comment la catégorie du personnel professionnel et technique est-elle affectée par le recours aux agences de placement comparativement aux autres catégories? Quels groupes sont les plus affectés par la présence des employé·e·s de ces entreprises privées? Il faut consulter l’information révélée par les rapports financiers des établissements pour répondre à ces questions. Comme ceux de l’année 2020-2021 ne sont pas encore disponibles, il n’est pas possible d’avoir un portrait de la situation et des effets de la pandémie sur la progression de ce phénomène. Nous pouvons cependant retracer l’utilisation de la MOI depuis la réforme de la Loi modifiant l’organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux notamment par l’abolition des agences régionales (PL 10) et observer son évolution.

Le recours à la MOI est l’une des facettes les plus évidentes de la privatisation. On parle ici de sous-traitance de la main-d’œuvre. On peut identifier deux types de MOI : les travailleur·euse·s d’agence recruté·e·s par les processus d’appel d’offres ou des contrats de gré à gré, et les travailleur·euse·s autonomes qui offrent leurs services aux CISSS et aux CIUSSS.

Depuis l’instauration du PL 10 en 2015, les coûts relatifs à l’utilisation de la MOI ont augmenté de 6,4 millions à 25,9 millions de dollars en 2019-2020. Cette augmentation semble énorme, mais le montant alloué pour la catégorie 4 ne représente que 0,05 % du budget total investi en santé et services sociaux et 6 % des sommes allouées à la MOI. Ces sommes sont plus ou moins semblables à ce qu’elles étaient en 2010-2011.

En 2019-2020, environ la moitié des sommes engagées pour la MOI dans la catégorie 4 a servi à rétribuer des travailleuses sociales et des agentes d’intervention en travail social indépendantes.


En effet, le recours à la MOI affecte certains titres d’emploi plus que d’autres. Et comparativement aux autres catégories du réseau de la santé et des services sociaux, celle du personnel professionnel et technique arrive en dernier. Les établissements font appel à des travailleur·euse·s d’agences privées surtout pour les catégories 1 et 2.

Champions du recours à la MOI

Les CIUSSS et les CISSS peuvent faire appel à cette main-d’œuvre pour diverses raisons : manque de ressources, bris de services appréhendés ou quarts de travail non couverts. Selon les données disponibles pour l’année 2019-2020, la palme des dépenses liées au recours aux travailleur·euse·s d’agences privées revient aux CISSS et aux CIUSSS suivants : Centre-Sud-de-l’île-de-Montréal, avec presque 5 millions de dollars, Est-de-l’île-de-Montréal, avec 3,8 millions de dollars, et Côte-Nord, avec 2,3 millions de dollars. Il faut préciser que certains établissements n’ont pas dévoilé les sommes qu’ils ont dépensées dans ce domaine.

Il sera intéressant de voir ce qui aura été dépensé dans les établissements pour répondre aux besoins en contexte de pandémie. Comme les états financiers devraient être rendus publics au début du mois de juillet, nous pourrons bientôt avoir une idée de l’étendue du phénomène.

Mais comment s’attaquer au problème? On peut d’abord opter pour l’encadrement législatif en modifiant le règlement sur les agences de placement de personnel et les agences de recrutement de travailleur·e·s étranger·ère·s temporaires. Il reste que la meilleure solution serait de bonifier les conditions de travail des salarié·e·s du réseau public en offrant des charges de travail favorisant la satisfaction professionnelle, une bonification de la conciliation famille-travail-étude ainsi que de meilleures mesures de recrutement et de rétention de la main-d’œuvre. Bref, il faut rendre le réseau public plus attirant tout en encadrant l’activité néfaste des agences privées.

Rédaction Guillaume Plourde | Illustration Christiane Beauregard | 3 juin 2021