Les CHSLD devant la Cour

Les CHSLD devant la Cour

Si la demande d’action collective les visant est autorisée, les centres intégrés de santé et de services sociaux devront se défendre en cour d’avoir exposé les résident·e·s des CHSLD à des conditions de vie dégradantes et à une certaine forme de maltraitance découlant de la surcharge de travail et de l’épuisement du personnel.

Déposée par le Conseil pour la protection des malades (CPM) au nom des 37 000 personnes résidant dans les CHSLD du Québec, cette requête est portée par l’une d’entre elles, Daniel Pilote. Livré en juillet dernier devant les caméras, le témoignage de cet homme de 56 ans, dont le corps est presqu’entièrement paralysé, rendait bien compte de la réalité des personnes âgées qui ont perdu, avec leur autonomie, la capacité de se faire entendre.

Opération bien orchestrée

Les avocats du CPM veulent faire valoir que les droits des demandeurs et demanderesses sont lésés en vertu des articles 1 et 4 de la Charte des droits et libertés de la personne, du Code civil du Québec, de la Loi sur les services de santé et les services sociaux (LSSSS) et de la Loi visant à lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité.

Or, l’ensemble du réseau des CHSLD est tenu, en vertu de l’article 83 de la LSSSS, « d’offrir […] un milieu de vie substitut, des services d’hébergement, d’assistance, de soutien et de surveillance ainsi que des services de réadaptation, psychosociaux, infirmiers, pharmaceutiques et médicaux aux adultes qui, en raison de leur perte d’autonomie fonctionnelle ou psychosociale, ne peuvent plus demeurer dans leur milieu de vie naturel, malgré le support de leur entourage ou suivant l’insuffisance de soins à domicile offerts2».

D’une valeur de quelque 500 millions de dollars, la demande d’indemnité adressée aux 22 centres intégrés cible des manquements en matière d’hygiène, de santé, d’alimentation, de buanderie ainsi que des abus liés à la facturation.


Aboutissement de plaintes répétées

Dans son rapport annuel de 2016, la Protectrice du citoyen décrivait (pages 101-102) la nature des nombreuses plaintes déposées chaque année par des personnes s’estimant négligées, voire maltraitées : longs délais pour l’assistance aux besoins d’élimination, niveau d’aide insuffisant pour l’alimentation et les soins d’hygiène, manque de personnel et roulement déstabilisant, manque de stimulation. Elle ajoutait que ces problèmes étaient souvent connus et que, selon elle, « des pratiques de gestion et de supervision déficientes et inadéquates » contribuaient à ce que des « situations inacceptables » perdurent. « En agissant de la sorte, par manque d’écoute et de soutien, les gestionnaires abdiquent leurs responsabilités à l’égard du bien-être des résidents. » Plus clair que ça…

On apprenait également dans le rapport annuel de 2017 que le nombre de plaintes adressées au réseau de la santé et des services sociaux avait globalement augmenté de 30 % et qu’elles sont de plus en plus nombreuses à s’avérer fondées, ce qui n’incite pas à croire que la vie en CHSLD se soit beaucoup améliorée.

Quant au bilan de 2015, il incluait des recommandations spécifiques, notamment sur la question de l’hygiène dans les CHSLD. Le ministère l’avait commenté en s’engageant à apporter des corrections… que l’on attend toujours.

La Protectrice du citoyen a de plus, au fil des ans, produit plusieurs rapports à la suite de plaintes provenant de CHSLD spécifiques. La liste est longue et accablante. Une chose est sure, le ministère ne pourra pas dire devant la Cour qu’il ne savait pas ce qui se passait.

Il reste à savoir s’il résultera autre chose que de nouvelles promesses sans suite du débat ranimé par cette offensive judiciaire.

1http://www.larochelleavocats.com/wp-content/uploads/2018/07/chsld-20180706-demande-autorisation.pdf

2idem

Rédaction Chantal Mantha | 2 octobre 2018