Le privé en santé: comment en parler pour gagner la bataille?

Le privé en santé: comment en parler pour gagner la bataille?

Nous serons en congrès dans quelques semaines pour doter l’APTS d’une toute nouvelle plateforme politique, une étape historique qui m’enthousiasme car elle permettra à notre organisation de s’imposer comme un véritable vecteur de changement.

Emilie Charbonneau, 4e v.-p. de l’APTS

Ce document-phare sera la pierre d’assise de nos prises de position durant les prochaines années. J’aimerais donc nous inviter à faire collectivement un pas en arrière et à réfléchir au cadre stratégique dans lequel notre action politique syndicale s’inscrit.

Nous le savons, la lutte contre la privatisation doit être, et sera, notre principal cheval de bataille. L’équation est simple: qui dit augmentation de la part du privé dans la prestation de services à la population dit également précarisation des conditions de travail dans le réseau, et donc renforcement d’un système où les Québécois·es n’ont plus un accès égal aux soins dont il·elle·s ont besoin. Rien de très nouveau sous le soleil me direz-vous? Vous avez raison.

Cependant, posons-nous une question simple: de quelle façon ces mêmes Québécois·es perçoivent cette plus grande place faite au privé? La réponse est pour le moins troublante.

Selon les données d’un sondage commandé à la firme Léger Marketing, on constate qu’il n’est pas du tout évident que le sentiment «anti-privé» soit largement partagé. Quelques chiffres:

  • seul 33 % de la population considère le privé en santé comme une mauvaise chose;
  • chez les ménages ayant un revenu combiné de 100 000 $ et plus, 55 % considèrent même que le privé est une bonne chose;
  • si les gens pouvaient choisir où aller se faire soigner, sans frais, 41 % préféreraient se tourner vers le privé et seulement 29 % opteraient pour le public.

Pourquoi ce jugement sévère? Parce que, selon les données du même sondage, 67 % des répondant·e·s considèrent que le réseau public fonctionne mal. Dans une réalité où l’accès aux services est souvent difficile, le privé est davantage perçu comme une bouée de sauvetage que comme une menace. Dans ce contexte, l‘opposition public/privé perd de son efficacité.

Est-ce à dire que nous devons baisser les armes et laisser gagner la privatisation? Bien sûr que non! Mais il faut regarder la réalité en face: l’épouvantail du privé ne suscitera pas à lui seul l’adhésion de la population. Que faire alors, en tant que professionnel·le·s et technicien·ne·s du réseau public pour continuer à le défendre? Trois pistes s’offrent à nous.

Répondre, d’abord et avant tout, aux préoccupations des Québécois·es

Comme vous et moi, les gens veulent avoir accès aux services dont ils ont besoin, et c’est sur ce point qu’il faut insister. Il ne faut pas oublier ici un aspect  essentiel : pour la plupart de nos compatriotes, le réseau public n’est pas une finalité mais un instrument. Autrement dit, nous devons rappeler que celui-ci permet un accès à des soins qui seraient autrement hors de portée pour la majorité d’entre nous. C’est cet accès qu’il s’agit de défendre si nous voulons toucher un public large et être compris·es.

Incarner notre propos

Le privé, c’est qui au juste? Dans nos dénonciations, tentons autant que possible d’incarner notre propos, notamment en nommant les entreprises impliquées, en désignant les personnes qui tirent profit de la maladie et de la vieillesse et en identifiant celles laissées de côté par l’approche marchande. L’actualité ne manque malheureusement pas d’exemples concrets de dérives,  le CHSLD Herron et le Manoir Liverpool me viennent spontanément à l’esprit.

Nous imposer comme des vecteurs de changement

Considérant les ratés du réseau dans son état actuel, nous devons à tout prix éviter de donner l’impression que nous sommes les gardien·ne·s du statu quo. Proposons des voies de réforme: régime d’assurance médicaments public et universel, revalorisation de la prévention, démocratisation du réseau. Ce sont des avenues constructives, auxquelles il est difficile de s’opposer. Pour sauver le réseau public, il faut apprendre à nous faire les porte-voix du mécontentement à son endroit: ne plus nous présenter comme ses gardien·ne·s fossilisé·e·s mais bien comme ses plus ardent·e·s réformateur·rice·s!

Communiquez dès maintenant avec votre exécutif local pour que votre point de vue soit représenté au congrès et que nous construisions une plateforme politique à votre image!

Solidairement,

Rédaction Émilie charbonneau | 21 octobre 2021

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