Mener une lutte collective contre la surcharge

Mener une lutte collective contre la surcharge

La surcharge de travail, un fléau qui dure depuis trop longtemps, a de graves conséquences sur la santé physique et psychologique de bien des membres de l’APTS. La résistance s’organise contre ce phénomène, qu’on aurait tort de voir comme une fatalité.

Pas toujours facile de dire non quand on est un·e professionnel·le engagé·e dans son travail et auprès de sa clientèle. Pourtant on sait que quand le ou la gestionnaire exige trop, la qualité des services est affectée. C’est justement parce qu’il est difficile et parfois déchirant pour une seule personne de résister à la pression d’en faire toujours plus que l’APTS a mis en place une stratégie et créé des outils pour lutter collectivement contre cette calamité qu’est devenue la surcharge.

À la table de négociation pour le renouvellement de votre convention collective, nous réclamons l’inclusion d’une méthode pour définir ce qu’est une charge de travail acceptable, incluant par exemple une grille de pondération de charges de travail et de ratios applicables dans tous les secteurs. Pour ce faire, il est essentiel de modifier les critères d’évaluation de la surcharge dans les dispositions nationales pour s’assurer de l’application préventive d’une méthode de suivi des charges de travail.

Mais en attendant d’obtenir l’instauration de mesures de cet ordre, il fallait agir.

Dans les derniers mois une table nationale sur la surcharge de travail a été créée au sein de l’APTS pour soutenir les équipes locales dans la prise en charge des dossiers de cette nature. Elle est formée de représentant·e·s des établissements de l’ensemble du Québec.

De leur côté, les équipes locales du syndicat ont récemment été formées pour recueillir vos témoignages, monter des dossiers grâce auxquels des dénonciations formelles, basées sur des faits, pourront être faites à l’employeur.

Nous vous invitons à ne pas baisser les bras et à profiter de l’assistance que les ressources de votre syndicat peuvent vous offrir.


Toute dénonciation devra être accompagnée de pistes de solution réalistes visant à résorber, voire à éliminer, ladite surcharge de travail, pistes qui auront été identifiées par votre équipe de travail. C’est cette mobilisation de l’équipe qui fera la différence devant l’employeur.

On ne part pas de rien. Pour faire valoir nos arguments nous disposons déjà de notre convention collective (dispositions nationales et locales), des codes de déontologie, du code d’éthique des établissements, des documents qui présentent la mission du centre d’activités de l’équipe en surcharge, des standards de pratique de l’établissement, des politiques internes et du guide Protégez votre autonomie professionnelle conçu par l’APTS.

L’équipe syndicale pourra aborder le problème selon plusieurs angles : la santé et la sécurité du travail (SST), les relations de travail ou la déontologie et l’autonomie professionnelle. Une dénonciation politique associée à une mobilisation est aussi possible. Chaque situation a ses particularités et nécessite une intervention adaptée.

Surcharge et SST

On peut par exemple faire valoir les conséquences d’exigences déraisonnables sur votre santé physique mais aussi psychologique. L’employeur qui refuse de tenir compte des répercussions des conditions difficiles auxquelles est exposé son personnel devra s’attendre à ce que le rendement en souffre. Le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) est d’ailleurs aux prises avec une croissance plus qu’inquiétante des coûts reliés aux problèmes de santé mentale découlant en partie de la charge de travail. Ces coûts sont évalués à 4 milliards de dollars par année1.

D’ailleurs un des objectifs du Plan d’action national visant la prévention des risques en milieu de travail et la promotion de la santé globale (2019-2023)  est de veiller à la santé psychologique des travailleur·euse·s et à la réduction des risques psychosociaux au travail. Nous sommes en position de démontrer à quel point la surcharge de travail est à la source de nombreux risques. Il est donc dans l’intérêt des employeurs et du MSSS d’accueillir nos suggestions.

L’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) a mis au point une Grille d’identification des risques psychosociaux du travail qui permet à l’employeur de répondre à ses obligations légales et d’agir pour réduire les risques psychosociaux au travail. S’il s’avère qu’il ne veut pas agir, le syndicat recourra à d’autres stratégies.

Relations de travail

Les équipes de relations de travail s’appuient sur les dispositions nationales qui indiquent clairement la démarche à entreprendre pour démontrer un problème de surcharge de travail et en demander la résolution. La convention collective prévoit d’ailleurs la formation d’un comité de relations professionnelles distinct pour traiter cette question. Des délais précis et une possibilité d’arbitrage sont aussi prévus.

Il faut savoir que le fardeau de la preuve revient au syndicat. C’est à lui de convaincre l’arbitre du bien-fondé de la contestation. Les dossiers doivent conséquemment être très bien documentés.

Si le syndicat parvient à démontrer qu’il y a effectivement de la surcharge, l’employeur devra l’éliminer. Il a pour ce faire plusieurs options. Il peut notamment ajouter des postes ou en titulariser, transférer certaines tâches à d’autres catégories d’emplois, offrir du soutien clinique, de la formation et du perfectionnement, améliorer les outils de travail ou encore revoir l’organisation du travail.

Il est également possible que le syndicat ne parvienne pas à faire reconnaître la surcharge sur le plan légal. Dans ce cas, rappelez-vous que l’APTS a développé d’autres stratégies.

Déontologie et autonomie professionnelle

Exiger la reconnaissance de l’autonomie professionnelle et des obligations professionnelles des salarié·e·s diplômé·e·s est une autre approche. L’employeur leur demande généralement d’agir en tant que professionnel·le·s mais les traite comme des exécutant·e·s. Être responsable de tout sans avoir de pouvoir décisionnel est insensé. Les membres de l’APTS sont des spécialistes et leur opinion clinique ne devrait pas être subordonnée aux exigences organisationnelles, financières ou logistiques de l’établissement. C’est pourquoi le syndicat se bat pour préserver leur capacité d’exprimer leur expertise, leurs convictions et leurs limites en justifiant leur position au plan professionnel.

La surcharge prise sous l’angle politique

En cas de refus des gestionnaires d’accueillir les propositions de l’équipe locale, des représentations peuvent être faites auprès de paliers supérieurs de la direction, du conseil d’administration de l’établissement, des ordres professionnels, du MSSS, des partis d’opposition, etc. S’adresser aux médias n’est pas exclu, surtout quand la surcharge met en péril l’accès aux services pour la population. Au plan local ou régional, les personnes représentantes nationales, en collaboration avec les exécutifs locaux, agissent alors comme porte-parole avec le soutien du service des communications de l’APTS. La question de la surcharge est aussi omniprésente dans les interventions de la présidente de l’APTS auprès des médias nationaux.

N’hésitez pas à parler à vos collègues de votre surcharge de travail car vous n’êtes probablement pas la seule personne à vivre cette situation. Agir collectivement est la clé de la réussite.

Le Dictionnaire canadien des relations de travail définit la surcharge de travail comme un « fardeau de travail plus élevé que celui qui peut être raisonnablement exigé d’un salarié durant sa prestation de travail ». On précise bien que l’alourdissement d’une charge de travail ne signifie pas nécessairement qu’il y a surcharge. La comparaison doit se faire non pas en fonction d’une situation préalable mais par rapport à un emploi similaire.

1 FOURNIER, Pierre-Sébastien et autres, « Étude exploratoire des facteurs de la charge de travail ayant un impact sur la santé et la sécurité : Étude de cas dans le secteur des services », IRSST, 2010, p. 4.</div>

Rédaction Chantal Mantha | Collaboration Audrée Debellefeuille Dunberry, Manon Gagnon et Maxime Vallée Landry | illustration Steve Adams | 24 mars 2021