Hébergement des adultes : les clés de milieux de vie inclusifs et de qualité

Hébergement des adultes : les clés de milieux de vie inclusifs et de qualité

A la suite du dépôt en chambre de la politique gouvernementale d’hébergement et de soins et services de longue durée, l’APTS a émis par voie d’avis des recommandations afin que le plan d’action qui sera dévoilé cet automne réunisse toutes les conditions gagnantes pour créer réellement des « milieux de vie qui nous ressemblent ».

Ce plan d’action déterminera des actions structurantes pour les quatre prochaines années en encadrant non seulement l’hébergement des personnes âgées, mais également celui de toutes les catégories d’usager·ère·s adultes vulnérables, qu’il s’agisse de personnes avec des déficiences physique·s ou intellectuelle·s, vivant avec un trouble du spectre de l’autisme ou encore souffrant de dépendance. Il s’agit de redéfinir  la façon dont les soins et services seront dispensés à ces groupes vulnérables au cours des prochaines décennies et de poser les jalons d’un système au sein duquel nos proches et nous-mêmes nous retrouverons un jour.

Voici un résumé des angles morts relevés par l’APTS à la suite de l’examen de la politique gouvernementale, ainsi que des recommandations faites par le syndicat afin que ce chantier d’envergure soit un succès.

1. Un portrait lacunaire des milieux et des usager·ère·s

Il est regrettable de constater que la typologie proposée dans cette politique soit très sommaire et omette une série d’éléments indispensables à une prise de décision éclairée. Ainsi, en ce qui a trait aux personnes âgées, on y présente la répartition des individus hébergés selon les différents types d’hébergement ainsi qu’une évaluation sommaire des proportions d’âges majoritaires, le taux d’occupation et le taux de roulement au sein de ces structures et, pour finir, une analyse sommaire de leurs besoins en fonction de leur niveau d’autonomie fonctionnelle. Quant aux autres personnes usagères, elles sont rudimentairement réparties en trois catégories (déficience ou trouble du spectre de l’autisme; trouble mental; dépendance ou itinérance), dont la description se résume au mieux à la prévalence dans la population et à une liste succincte des besoins. Nous déplorons également l’absence de données cruciales en matière de coûts et d’accessibilité de l’hébergement.

Recommandation nᵒ1 : bonifier le portrait des usager·ère·s et compléter l’état des lieux des structures d’hébergement en y ajoutant notamment les données relatives aux places disponibles et à leurs coûts afférents.

2. Une approche en silos pour l’hébergement des personnes adultes

En matière d’hébergement public, il est impératif d’éviter les pièges du passé en réservant le même traitement à toutes les catégories d’usager·ère·s et en se contentant de quelques accommodements ici et là. Dans une perspective de bienveillance et d’humanisme, il importe de développer une politique qui corresponde aux enjeux et aux objectifs de chaque continuum de soins et de services. Or il ne fait pas de doute que la politique ministérielle a été pensée, d’abord et avant tout, pour répondre aux besoins des personnes âgées hébergées. Les objectifs guidant les différents continuums de soins et de services sont de plus variables et dépendent du fait que l’hébergement intervienne en fin de vie ou qu’il constitue une mesure transitoire à l’acquisition d’un niveau d’autonomie suffisant. C’est pourquoi la politique d’hébergement doit se décliner en plusieurs sous-chantiers, adaptés à la réalité de chaque catégorie d’usager·ères et à celle de son réseau d’intervenant·e·s.

Recommandation nᵒ2 : intégrer la mise en œuvre de la politique d’hébergement à l’ensemble des chantiers en cours relativement aux soins et services aux adultes hébergé·e·s tout en tenant compte des particularités de chacun de ces continuums.

3. La pandémie de COVID-19 à peine mentionnée

L’APTS retient de la crise de la COVID-19 quatre éléments incontournables qui doivent être pris en compte lors de la mise en œuvre de la politique soit : l’importance d’une gestion de proximité, d’une approche humaniste fondée sur la bienveillance, d’une révision des notions de performance des intervenant·e·s afin de remettre les besoins des usager·ère·s  au centre des priorités et surtout du retour à une approche préventive transversale. Pour ce faire, il convient d’améliorer tant les conditions de travail que les conditions de pratique des intervenant·e·s afin de rendre ces milieux attrayants, et, ultimement, de régler les enjeux relatifs à la pénurie de main-d’œuvre. Allouer au personnel le temps et les outils nécessaires pour intervenir adéquatement auprès des usager·ère·s et de leurs proches ne devrait pas être considéré comme un luxe, mais bien comme une garantie d’amélioration de la qualité des soins et des services.

Recommandation nᵒ3 : appliquer les apprentissages de la pandémie dans la mise en œuvre de la politique, notamment :– en favorisant un retour à une gestion de proximité;-par l’humanisation des soins et des services et le rejet des normes de gestion de la performance implantée par la nouvelle gestion publique;– en misant, d’abord et avant tout, sur la prévention.

4. Le personnel de la catégorie 4 oublié

Le personnel professionnel et technique qui constitue la 4e catégorie de salarié·e·s du réseau joue un rôle crucial en matière de prévention. Les bienfaits de cette dernière, tout comme l’apport de ce personnel, n’est toutefois pas facilement quantifiable à court terme et l’expertise de ce dernier se retrouve tristement sous-estimée, de sorte que les services rendus par ces intervenant·e·s sont souvent les premiers à faire les frais des coupures budgétaires. Ces expert·e·s agissent pourtant directement sur la qualité de vie de l’usager·ère, sur le maintien de ses liens sociaux, sur son bien-être ainsi que sur la conservation ou le maintien de son autonomie. Il est donc primordial de sortir du modèle hospitalo-centriste et de réfléchir à un modèle où les aspects curatifs coexistent pleinement avec cette vision de services.

Recommandation nᵒ4 : prendre en compte l’expertise du personnel de la catégorie 4 et lui donner la place qui lui revient.

5. Des enjeux de gouvernance

La politique d’hébergement ministérielle mise sur les comités des usager·ère·s (CU) et les comités de résident·e·s (CR) pour faire intervenir les usager·ère·s en hébergement dans la prise des décisions qui les concernent. Or, les réformes centralisatrices qu’a connues le réseau ont mis à mal le caractère démocratique des différents forums citoyens au sein des établissements. Rappelons que la personne représentant les usager·ère·s dans les CISSS et les CIUSSS est nommée par le ministre. Ce mode de nomination n’est en aucun cas garant d’une représentation adéquate de la complexité des réalités présentes dans les diverses ressources d’hébergement de propriété publique ou encore financée par le public. L’idée de se fier aux CU et aux CR est bonne en théorie, mais suppose d’implanter des contre-pouvoirs qui puissent faire un travail d’inspection sans ingérence externe et assurer une pleine protection aux usager·ère·s qui s’expriment par ces voies.

Recommandation nᵒ5 : mettre en place des balises pour assurer une saine gouvernance.

Pour en savoir plus, consultez l’intégralité de l’avis publié par l’APTS.

Rédaction Leïla Asselman | Collaboration Audrée Debellefeuille Dunberry, Julie Desrosiers, Guillaume Plourde | 8 septembre 2021