Non, les technologues en imagerie médicale ne font pas que « peser sur des pitons »

Non, les technologues en imagerie médicale ne font pas que « peser sur des pitons »

Respectivement spécialisé·e·s en électrophysiologie médicale, en médecine nucléaire, en radio-oncologie et en radiodiagnostic, Anik, Mathieu, Nathalie et Marie-Eve travaillent en tant que technologues au sein de la grande famille de l’imagerie médicale. Malgré leur travail essentiel, il et elles s’entendent pour dire que leur expertise est trop peu connue et reconnue. Gageons que vous leur donnerez raison après avoir découvert la richesse et l’étendue de leur savoir-faire en lisant cet article!

L’électrophysiologie médicale (EPM)

Régulièrement prise pour une infirmière par les usager·ère·s, parfois surnommée « la fille de l’ECG » (pour électrocardiogramme) ou « la peseuse de pitons » par ses collègues non-technologues, Anik – technologue en EPM à l’Institut de cardiologie de Montréal – constate quotidiennement la méconnaissance de sa profession. « É-lec-tro-phy-sio-lo-gie-mé-di-ca-le… Ça fait beaucoup de syllabes, hein? » plaisante-t-elle malgré tout. « Les gens ont de la difficulté à associer ça à quelque chose de tangible, mais c’est important de les corriger chaque fois que c’est possible ».

Corrigeons, donc. Pour commencer, l’électrophysiologie médicale ne se réduit pas à des électrocardiogrammes. Cette spécialité inclut de nombreux autres examens permettant de capter et d’enregistrer l’activité électrique du cœur, certes, mais aussi du cerveau, des nerfs et d’autres organes. Par ailleurs, il ne s’agit pas simplement d’installer des fils, de poser des électrodes et d’appuyer sur un bouton pour que la magie opère. « Il y a toute une connaissance derrière notre pratique, qui va autant nous permettre d’interpréter les tracés que d’assurer la sécurité de la personne examinée. Combien y a-t-il eu de pauses? Quelle est la fréquence cardiaque moyenne? Note-t-on des arythmies? C’est aux technologues en EPM que revient ce travail de pré-interprétation, qui sera ensuite validé par le médecin ».

Cette expertise, Anik la met en pratique dans toutes sortes de situations. À l’urgence, elle peut être sollicitée dans le contexte d’une réanimation, une manœuvre qui se déroule très rapidement et pendant laquelle elle doit évaluer le rythme cardiaque par ECG et communiquer  constamment avec  l’équipe de soin. À « l’étage », elle mène ses examens de manière plus détendue pour changer les idées de patient·e·s parfois longuement hospitalisé·e·s après une chirurgie, un pontage ou une pose de valve, mais de façon toute aussi rigoureuse compte tenu de leur fragilité. D’autres fois encore, elle est en charge de former des usager·ère·s à l’utilisation du cardiomémo, un enregistreur d’évènements portatif qui leur permet de consigner leur fréquence cardiaque à domicile en cas de palpitations, d’essoufflement, d’étourdissements, etc.

Le bassin de personnes qui bénéficient de son expertise est lui aussi très diversifié. « Les gens pensent qu’on travaille surtout avec des personnes âgées, mais on accompagne aussi des jeunes de 17-18 ans qui ont des anomalies congénitales, des personnes atteintes d’Alzheimer ou ayant des déficiences intellectuelles, etc. C’est un travail très stimulant et gratifiant. J’espère que les générations futures vont accrocher sur la profession », conclut-elle.

La radio-oncologie

En radio-oncologie, des radiations ionisantes de haute énergie sont utilisées pour traiter les tumeurs cancéreuses localisées. Les traitements de radiothérapie s’inscrivent dans une perspective de soins dispensés dans une optique curative ou palliative et les technologues en radio-oncologie y jouent un rôle essentiel. Après avoir reçu son diagnostic et opté pour des traitements de radiothérapie, la personne prise en charge s’engage dans un processus qui la mènera à l’exécution du traitement. Première étape : la simulation, qui permettra de déterminer la position confortable, stable, sécuritaire et reproductible dans laquelle se réalisera le traitement. Nathalie, technologue spécialisée en radio-oncologie au Centre universitaire de santé McGill (CUSM) explique que là, comme tout au long du traitement, la collaboration de l’usager·ère est primordiale.

Des images radiologiques sont ensuite prises par tomodensitométrie, communément appelée CT scanner, dans la position de traitement avec injection d’agent de contraste lorsque prescrit. Un registre et des photos du positionnement sont inscrit·e·s dans le dossier du·de la patient·e et des images par résonance magnétique (IRM) peuvent être réalisées dans certains cas. Nathalie envoie ces données afin de procéder à la seconde étape du processus : la dosimétrie. Dans un premier temps, des technologues tracent les contours des divers organes tandis que le·la radio-oncologue dessine le volume cible et donne aux technologues spécialisé·e·s en dosimétrie les paramètres nécessaires pour la production du plan de traitement dosimétrique. « L’objectif : donner le maximum de doses à la tumeur tout en minimisant celles appliquées aux tissus sains ou critiques. C’est le défi de la radiothérapie ».

Certains types de cancers bénéficient d’une technique différente de la radiothérapie externe, appelée curiethérapie. Celle-ci consiste à diriger des sources radioactives à l’intérieur de l’organisme, soit par les voies naturelles ou directement dans l’organe lui-même, à l’aide d’applicateurs ou de cathéters prévus à cette fin. Si le choix de la technique, du nombre de fractions et de la dose relèvent du radio-oncologue, c’est bien aux technologues en radio-oncologie que revient la responsabilité d’administrer le traitement avec savoir-faire et bienveillance.

La médecine nucléaire

Plutôt que de s’appuyer sur l’anatomie des organes, la médecine nucléaire évalue leur physiologie et leur fonctionnement. Ainsi, dans le cas d’une fracture de stress – difficile à déceler de par sa très petite taille – l’examen permettra de constater les efforts produits par l’os pour se réparer et d’établir le diagnostic. Cet examen commence par la préparation en laboratoire des produits radiopharmaceutiques et par l’explication de la procédure, une étape cruciale puisque la perspective de se faire injecter un produit radioactif inquiète souvent les usager·ère·s. Le·la technologue en médecine nucléaire passera ensuite à l’étape de l’injection – un geste qu’il·elle est le·la seul·e habilité·e à poser.

Dans le cas de Mathieu – qui œuvre à titre de technologue en médecine nucléaire à l’Hôpital du Saint-Sacrement et intervient souvent auprès de patient·e·s atteint·e·s du cancer du sein – cette étape est souvent rendue délicate par la nature des traitements que reçoivent ces usager·ère·s. « C’est le cas avec la chimiothérapie, qui fragilise beaucoup les veines. Ça implique une expertise pointue parce que si tout le produit se retrouve dans la main plutôt que dans l’ensemble du corps, il n’y aura tout simplement pas d’image ». Plus d’une cinquantaine d’examens différents peuvent alors être effectués à l’aide d’équipement hautement spécialisé, qui pourront être utiles tant en pédiatrie qu’en oncologie ou encore en cardiologie. La dernière étape sera celle du traitement de l’image pour la rendre lisible et utilisable par le médecin. Dans certains cas, le·la technologue peut contribuer à la formation des futur·e·s nucléistes, participer à des protocoles de recherche ou encore aux traitements.

Amateur d’informatique, né d’un père qui œuvrait en laboratoire et d’une mère infirmière, Mathieu s’est naturellement senti attiré par cette spécialité. C’est toutefois le bon soin au·à la patient·e qui constitue l’aspect le plus gratifiant de son travail. « Les personnes qu’on reçoit arrivent souvent chez nous une heure après avoir reçu un diagnostic de cancer, avec une liste de tests à passer longue comme le bras. Comme nos examens prennent un certain temps (3-4 h), on a un peu plus le « luxe » de prêter l’oreille à leur réalité, à leurs questions et à leurs états d’âme. Et quand on reçoit un appel de l’oncologue d’un·e usager·ère pour nous remercier du réconfort qu’on lui a apporté au détour d’un examen, c’est là que tout notre travail prend son sens ».

Le radiodiagnostic

Le public semble mieux saisir les contours du domaine du radiodiagnostic. C’est que nous sommes presque tou·te·s déjà passé·e·s aux « rayons-X » pour une fracture, avons reçu une échographie à ultrasons à l’occasion d’une grossesse ou passé une mammographie pour un test de dépistage. Marie-Eve – qui a d’abord travaillé comme technologue puis comme coordonnatrice technique à l’Hôpital Pierre-Le Gardeur – s’est quant à elle spécialisée dans un champ de pratique nettement moins connu : l’angiographie. Comme Nathalie, Marie-Eve est davantage impliquée dans le traitement et le soulagement des usager·ère·s en collaboration avec le radiologue. « Dans mon cas, ce sont souvent des urgences : le·la patient·e arrive par exemple avec des douleurs aux jambes à l’effort. Les examens radiodiagnostiques indiquent une artère bouchée, on lui administre les médicaments ou la sédation approprié·e·s et le radiologue lui pose un stent, un petit ressort métallique qui remonte le long de l’artère, traverse le bouchon, s’ouvre à son niveau et écarte de l’intérieur la plaque formée par l’accumulation des dépôts de graisse, de sucre et de tissus fibreux. Tout de suite, on voit le sang (coloré au préalable) se remettre à circuler et l’usager·ère se porter mieux, c’est très gratifiant ».

Son accompagnement des patient·e·s peut toutefois être plus long et le contact plus étroit. Habilitée à installer toutes sortes de cathéters, du classique au picc-line, cela lui permet de rencontrer une clientèle très variée comme des patient·e·s en oncologie qu’elle suivra sur une base régulière. Plus récemment dans sa carrière, elle a également commencé à installer des cathéters pour l’aide médicale à mourir. « Outre l’aspect technique, une partie importante de mon travail consiste à dialoguer avec l’usager·ère, à lui expliquer les interventions, à m’enquérir de sa journée ou à faire des blagues pour lui changer les idées. Ça a été toute une perte de repères que de poser des cathéters pour l’administration de l’aide à mourir, de me sortir de la mentalité de « sauver » l’usager·ère. Mais ces personnes-là ont tout autant, sinon plus, besoin de connecter et de trouver de la sérénité pour que l’intervention se passe bien. Et nous, on est là pour ça ».

RÉDACTION LEÏLA ASSELMAN | COLLABORATION MARIE-EVE BRETON, NATHALIE DUFOUR, MATHIEU FOUCAULT, ANIK PLOUFFE | ILLUSTRATION MARIE-EVE TURGEON  | 6 FÉVRIER 2023