Avons-nous les moyens d’un réseau fort? – 2e partie

Avons-nous les moyens d’un réseau fort? – 2e partie

Lorsqu’il s’agit d’investir dans les services publics, la classe politique a tôt fait de nous servir la même rengaine pseudo-pragmatique : il n’y a pas d’argent dans les caisses (si ce n’est pour un diachylon ici et là) et l’argent ne pousse pas dans les arbres. Dans le premier article de notre série « Avons-nous les moyens d’un réseau fort? », nous nous étions penché·e·s sur l’état des finances publiques pour contredire la première affirmation. Cette fois-ci, nous nous intéressons aux sources de revenus dont pourrait se prévaloir notre gouvernement pour mieux financer le réseau de la santé et des services publiques.

Lors du budget déposé le 21 mars dernier, le gouvernement Legault a choisi de réaliser sa promesse de baisse d’impôt. Cette mesure électoraliste privera l’État québécois de 1,7 G$ par année, tout en bénéficiant deux fois plus aux contribuables jouissant d’un revenu élevé qu’aux personnes de la classe moyenne. Cette opération budgétaire contre-indiquée diminue volontairement ses propres revenus. Le gouvernement sera dorénavant encore moins en mesure d’assumer le financement des services à la population, ce qui obligera un plus grand recours à des fournisseurs de services privés. Ce que les citoyen·ne·s ne pourront recevoir comme services gratuits, financés par leurs impôts, il·elle·s devront se les procurer en les payant directement de leur poche.  

Ce que les citoyen·ne·s ne pourront recevoir comme services gratuits, financés par leurs impôts, il·elle·s devront se les procurer en les payant directement de leur poche.


Pourtant, pour relever les défis de la reconstruction du RSSS – y compris en améliorant les conditions de travail de celles et ceux qui y travaillent – d’autres orientations budgétaires étaient de mise. On considère en effet qu’en 2022-2023, un écart de près de 1 G$ persiste entre le financement réel et ce qui aurait dû être versé au réseau pour protéger la qualité et l’accès aux soins1.

Plutôt que de baisser les impôts sous prétexte d’amortir les effets de la crise inflationniste, le gouvernement devrait se soucier davantage d’améliorer sa marge de manœuvre budgétaire pour répondre véritablement aux besoins de la population. Fort heureusement, les moyens d’y parvenir ne manquent pas.

Halte aux versements au Fonds des générations!

Il faut commencer par suspendre les versements au Fonds des générations. Non pas partiellement et pour financer des baisses d’impôt comme l’a fait le gouvernement, mais entièrement et pour rediriger les sommes vers le financement des services à la population. Irresponsable, vous dites? Le Fonds a atteint et même dépassé ses cibles initiales de réduction de la dette et ce sont près de 4 G$ que l’on pourrait rediriger ailleurs!

Un terme à la surrémunération des médecins

Rappelons également que Québec verse actuellement jusqu’à 1,5 G$ en surrémunération du corps médical, sans pour autant parvenir à doter chaque Québécois·e d’un médecin de famille. Rappelons-nous qu’en 2018, la CAQ avait promis de s’attaquer à ce problème et d’aller récupérer jusqu’à 1 G$. Sept ans plus tard, un maigre 149 M$ a été identifié comme économie récurrente2. C’est donc dire le chemin qu’il est encore possible de faire! Malheureusement, le gouvernement a plafonné son ambition à 240 M$ d’économie finale, perpétuant du même coup une injustice en termes de rémunération et une bien mauvaise allocation des ressources consacrées à la santé et aux services sociaux.

On considère en effet qu’en 2022-2023, un écart de près de 1 G$ persiste entre le financement réel et ce qui aurait dû être versé au réseau pour protéger la qualité et l’accès aux soins


De l’audace fiscale

Plus fondamentalement, le gouvernement doit aussi revoir son régime fiscal pour générer de nouveaux revenus et contrôler ses dépenses. La Coalition Main rouge, dont l’APTS est membre, a identifié 14 G$ en nouvelles recettes potentielles pour mieux financer les services, améliorer les conditions de travail du personnel et réduire les inégalités sociales. Abolir le crédit d’impôt sur les gains en capital des particulier·ère·s (sauf pour la résidence principale) permettrait par exemple au gouvernement d’économiser annuellement plus d’un milliard de dollars, tout comme une révision des mesures fiscales destinées aux entreprises. Et la lutte contre l’évasion et l’évitement fiscal·e permettrait à Québec de se prévaloir de près de 700 millions de dollars supplémentaires par année.

Pour assurer une refondation réussie du RSSS, ces différentes propositions nous semblent toutes bien meilleures que les baisses d’impôt populistes du premier ministre!

Pour en savoir plus sur les revendications de l’APTS dans le cadre des consultations prébudgétaires, consultez notre mémoire Les clés d’un budget profitable à tou·te·s.

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Un nouveau jalon de notre campagne politique franchi!
C’est avec enthousiasme que nous franchissons un nouveau cap dans le cadre de notre campagne Une alliance forte pour un réseau fort. Avec cette initiative, l’APTS revendique des politiques publiques audacieuses auprès des élu·e·s du Québec et des dirigeant·e·s des établissements afin d’assurer à la population québécoise une offre de services publics, accessibles, inclusifs et égalitaires. Joignez-vous au mouvement en signant la pétition d’ici le 19 mai prochain!
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Source du graphique : Les clés d’un budget profitable à tou·te·s, mémoire présenté au ministre des Finances Éric Girard dans le cadre des consultations prébudgétaires 2023-2024, APTS, janvier 2023
[1]Les clés d’un budget profitable à tou·te·s, mémoire présenté au ministre des Finances Éric Girard dans le cadre des consultations prébudgétaires 2023-2024, APTS, janvier 2023.
[2] Bilan annuel des réalisations 2021-2022, IPAM, mars 2022.

RÉDACTION PHILIPPE HURTEAU, LEÏLA ASSELMAN | ILLUSTRATION Steve Adams | 17 AVRIL 2023