Avons-nous les moyens d’un réseau fort? 1re partie

Avons-nous les moyens d’un réseau fort? 1re partie

Lorsqu’il s’agit d’investir dans les services publics, la classe politique a tôt fait de nous servir la même rengaine pseudo-pragmatique : il n’y a pas d’argent dans les caisses (si ce n’est pour un diachylon ici et là) et l’argent ne pousse pas dans les arbres. Dans cet article de notre série « Avons-nous les moyens d’un réseau fort? », nous nous intéresserons à la première affirmation en jetant un œil à l’état des finances québécoises telles que mises à jour dans le cadre du budget 2023-2024. Quant à savoir si l’argent pousse dans les arbres, ou ailleurs, restez à l’affût! Un article sur les sources de revenus dont pourrait se prévaloir notre gouvernement suivra sous peu.

Retour à l’équilibre budgétaire dans un avenir proche

Le budget 2023-2024 a été présenté le 21 mars dernier et, avec lui, les données financières réelles pour l’année 2022-2023. Surprise : alors que le gouvernement pariait sur un manque à gagner de 3 G$ avant les versements au Fonds des générations (FDG), le déficit s’avère substantiellement plus faible que prévu avec à peine 1,6 G$. Nous constatons encore une fois un écart entre les prévisions gouvernementales et les résultats.

Faut-il voir là de l’incompétence de la part des économistes du ministère des Finances? Il s’agit plutôt d’un stratagème rusé permettant aux différents gouvernements de se targuer de résultats plus reluisants que « prévu » et, accessoirement, de redistribuer les surplus à leur guise en période de campagne électorale. Et si ce n’était du maintien d’une partie des sommes versées au FDG, le retour à l’équilibre budgétaire serait atteint dès 2025.

La dette publique sous contrôle

Au-delà de la résorption rapide du déficit découlant de la crise pandémique, un autre facteur à prendre en considération lors de l’évaluation de la santé des finances publiques est celui de la dette publique. Pour en faire une appréciation rigoureuse, deux mesures clés prévalent : le ratio dette/PIB – c’est-à-dire le poids relatif de notre endettement collectif sur la richesse produite globalement par notre économie – et le poids du service de la dette, soit les sommes que l’État doit payer chaque année pour honorer sa dette divisées par le montant de ses revenus consolidés.

Le premier indicateur a entamé une descente dès 2014-2015, pour atteindre 40 % cette année, et le ministère des Finances prévoit que cette diminution se poursuivra pour qu’il atteigne 37 % d’ici 4 ans. Cela nous place bien en-deçà du seuil prévu par la Loi sur la réduction de la dette et instituant le Fonds des générations (45 %) et indique que la viabilité à moyen terme des finances publiques semble assurée.

À 6,6 % d’ici 2027, le fardeau de la dette reste résolument en zone sécuritaire.


Il est vrai qu’en raison des hausses des taux d’intérêt, cette situation pourrait théoriquement changer et se traduire par une augmentation du poids du service de la dette sur l’ensemble des revenus consolidés du gouvernement. C’est effectivement le cas, mais à 6,6 % d’ici 2027, le fardeau de la dette reste résolument en zone sécuritaire. Il serait par ailleurs surprenant de voir les banques centrales persévérer dans l’orientation actuelle de leur politique monétaire en raison des risques de ralentissement économique1.

Que faire de cet argent?

Placé dans une situation financière globalement enviable, le gouvernement du Québec a vite fait de retomber dans ses vieux travers et de céder à la tentation de distribuer des cadeaux. Coût estimé de l’allègement fiscal annoncé dans le budget : 1,7 G$. Face à ce choix de nombreuses voix – dont celle de l’APTS – se sont élevées pour l’exhorter à plutôt consacrer ces sommes au financement des services publics, dont l’état de délabrement généralisé est alarmant.

Dans le cas du réseau de la santé et des services sociaux (RSSS), un écart subsiste toujours pour rétablir le niveau de financement des services à la population d’avant la crise économique de 2008. Après l’alternance déstructurante entre périodes de coupe et périodes de réinvestissement, une stabilisation du financement est de mise.

La mise en place d’un tel mécanisme permettrait au gouvernement d’envoyer un message fort à la population et au personnel du réseau : à partir de maintenant, aucun retour à l’équilibre budgétaire ne se fera au détriment de la capacité du RSSS à bien remplir ses missions.


Le bouclier budgétaire : un outil de stabilisation du RSSS

C’est pourquoi l’APTS a proposé au ministre des Finances, Eric Girard, l’instauration d’un bouclier budgétaire dont l’utilité serait de pérenniser le financement du RSSS. Chaque année, le gouvernement devrait confier à une entité indépendante (le·la Vérificateur·rice général·e par exemple) le mandat de produire une analyse des sommes nécessaires au maintien du niveau de services offerts par le RSSS et permettant de répondre aux nouveaux besoins populationnels. Le ministère des Finances devrait alors minimalement se baser sur les sommes indiquées par cette entité lors de l’élaboration du budget. La mise en place d’un tel mécanisme permettrait au gouvernement d’envoyer un message fort à la population et au personnel du réseau : à partir de maintenant, aucun retour à l’équilibre budgétaire ne se fera au détriment de la capacité du RSSS à bien remplir ses missions.

À lire également :

Un nouveau jalon de notre campagne politique bientôt franchi!

C’est avec enthousiasme que nous franchissons un nouveau cap dans le cadre de notre campagne Une alliance forte pour un réseau fort. Avec cette initiative, l’APTS revendique des politiques publiques audacieuses auprès des élu·e·s du Québec et des dirigeant·e·s des établissements afin d’assurer à la population québécoise une offre de services publics, accessibles, inclusifs et égalitaires. Joignez-vous au mouvement en signant la pétition d’ici le 19 mai prochain!
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1 Quoi surveiller en 2023 : Une récession devrait aider à faire baisser plus rapidement l’inflation, Desjardins – Études économiques, janvier 2023.

RÉDACTION LEÏLA ASSELMAN | COLLABORATION PHILIPPE HURTEAU | ILLUSTRATION Steve Adams | 3 AVRIL 2023