Un été difficile dans les laboratoires de biologie médicale

Un été difficile dans les laboratoires de biologie médicale

Au début de juin, la ministre McCann rappelait que le projet OPTILAB avait pour but de trouver une solution à la pénurie de la main-d’œuvre et à la surcharge de travail dans les laboratoires. Or, au lieu de le résoudre, il a aggravé le problème.

Dès le départ, on nous a annoncé que le plan ministériel visait à concentrer près de 70 % des analyses d’un regroupement de laboratoires vers un seul d’entre eux, le laboratoire serveur. Les autres, dits laboratoires associés, devaient traiter les urgences et les prélèvements qui ne pouvaient être transportés ailleurs. Les techniciennes des laboratoires associés ont ainsi appris qu’elles allaient se « spécialiser » dans les analyses de routine et la manutention d’échantillons. Fini l’avancement professionnel ou la bonification de la profession.

Pire encore, lors du lancement officiel de septembre 2016, les porte-paroles du ministère et des établissements ont annoncé l’abolition de 10 à 20 % des postes équivalents à temps complet (ETC). Ils ont toutefois tenté de rassurer les salariées, comme ils continuent de le faire d’ailleurs, en affirmant que personne n’allait perdre son emploi puisqu’ils procèderont par attrition. Il demeure qu’avec moins de postes offerts dans les laboratoires, la personne qui voudra y travailler devra patienter plus longtemps avant d’obtenir une permanence.

Depuis le lancement de la démarche, on a gardé les techniciennes dans l’ignorance quasi-totale des étapes de déploiement du projet et de ce qu’il adviendra de leur environnement de travail et de leurs conditions de pratique à l’échéance.

Rien pour favoriser la rétention et l’attraction du personnel

Toutefois, au fur et à mesure que les directions des grappes ont commencé à déployer la démarche sur le terrain, les gestionnaires ont pris conscience des nombreuses embûches à surmonter. Si seulement ils nous avaient écoutées! Les technologistes médicales et les techniciennes de laboratoire diplômées sont essentielles au bon fonctionnement du service de biologie médicale. Même si la ministre McCann annonce maintenant une nouvelle mouture de la démarche (OPTILAB 2.0) avec des termes plus rassurants (souci de la qualité et de l’efficience, soutien aux changements, …), force est de constater que son discours n’est pas entendu. Plusieurs salariées ont quitté la profession, en réorientant leur carrière ou en devançant leur retraite alors que le nombre d’inscriptions dans les cégeps offrant le programme diminue de façon importante.

Parallèlement, la mise en œuvre chaotique de la démarche sur le terrain, la réorganisation du travail dans les laboratoires pour réaliser la nouvelle structure de traitement des analyses et l’obtention d’une nouvelle norme pour les laboratoires (la norme ISO 15189, qui se veut gage de qualité et d’efficience) ont pour effet d’augmenter la cadence de travail dans les laboratoires et la surcharge de travail.

Alors nous y voici : la pénurie que l’on craignait frappe à nos portes. Dans tous les laboratoires où nos membres sont présentes, on rapporte un manque d’effectif. Les employeurs n’ont pas réussi à embaucher le nombre de techniciennes requis pour assurer le bon fonctionnement de leur service. À certains endroits, des bancs de travail sont fermés, des analyses sont priorisées et les autres sont reportées au lendemain. Lorsque ce n’est pas possible ou que les retards s’accumulent de façon inquiétante, le temps supplémentaire régulier s’installe de manière récurrente.

Au début les techniciennes acceptent d’en faire plus et de travailler plus tard, espérant qu’une solution à plus long terme sera mise en place. Cette dernière tardant à venir, elles s’épuisent et hésitent ou acceptent à contre-cœur de faire plus de temps supplémentaire.


Elles témoignent :

« L’équipe est épuisée, le temps supplémentaire quasi volontaire commence à peser. Même celles qui sont sur la liste de disponibilité offrent des disponibilités minimales afin de se reposer un peu. »

« Je suis fatiguée, mais je me sens mal de refuser de faire du temps supplémentaire car je sais que mes collègues vont devoir courir encore plus s’il manque des salariées sur leur quart de travail. »

« Nous préférons nous organiser entre nous et nous répartir le temps supplémentaire au lieu de nous le faire imposer par notre gestionnaire dans des moments où cela nous conviendra le moins. »

« Parfois, j’aurais besoin de rentrer chez moi après mon quart de travail, mais je sens la pression de mes gestionnaires pour que je me porte volontaire. »

Cette situation perdure déjà depuis un bon moment, si bien qu’avec les vacances qui commencent, des employeurs imposent du temps supplémentaire obligatoire (TSO) à plusieurs endroits.

Le cas des laboratoires est un des cas de figure d’une tendance qui pourrait s’étendre ailleurs. Il ne faut pas que le TSO devienne un mode de gestion. L’employeur doit être proactif dans la recherche de solutions. Ces dernières impliquent de repenser l’organisation du travail pour offrir des conditions de pratique respectueuses et valorisantes pour les techniciennes. Pour y arriver, l’employeur et le ministère doivent inclure tous les acteurs concernés dans la démarche, dont l’APTS, incontournable en la matière.

Notre recommandation

Bien que la situation soit variable d’un laboratoire à l’autre, nous savons que la majorité d’entre vous êtes ou serez sollicitées pour effectuer du temps supplémentaire, qu’il soit volontaire ou obligatoire. Des règles encadrant la façon de vous solliciter ou de vous imposer du temps supplémentaire existent. De plus, les technologistes médicales étant membres d’un ordre, certaines obligations professionnelles doivent également être prises en considération. C’est pourquoi nous vous invitons à la réflexion et à la vérification de vos droits auprès de votre exécutif local et de votre personne conseillère.

Nous ne vous laisserons pas tomber et nous espérons sincèrement que pourrez bénéficier cet été d’un temps de répit, minime peut-être, mais suffisant.

Rédaction Julie Desrosiers et Nicole Déry | Collaboration Anick Gilbert | 21 Juin 2019