Quel scénario pour la négo?

Quel scénario pour la négo?

Il y aura bientôt neuf mois que la convention collective est échue. Ardues et complexifiées par la COVID-19, les négociations se poursuivent. Deux membres du comité exécutif de l’APTS, Emmanuel Breton et Véronic Lapalme, respectivement responsables de la négociation et de la mobilisation, nous en parlent entre réunions en Zoom et rencontres au Conseil du trésor.

Bleu APTS : En quelques mots, où en sommes-nous?

Emmanuel Breton (EB) : Ce sont les matières sectorielles, soit les conditions de travail qui concernent spécifiquement les salarié·e·s représenté·e·s par l’APTS, qui nous occupent en priorité. Mais après les journées récentes de négociation intensive, on constate que le gouvernement Legault n’a pas accordé de mandat au Conseil du trésor pour discuter des enjeux à la source des plus graves problèmes pour notre catégorie que sont la surcharge de travail, l’épuisement professionnel et les difficultés d’attraction et de rétention de la main-d’œuvre.

En novembre, nous avons procédé à une nouvelle consultation des équipes locales. Nous voulions avoir la certitude de bien identifier les enjeux qui constituent ce que nous appelons les intouchables et les voies de passage. Nous avons recueilli des commentaires provenant de 34 établissements, incluant la totalité des centres intégrés. Ayant ainsi pris le pouls de nos unités, nous sommes en mesure de négocier de façon éclairée.

Nous avions déjà fait en septembre un exercice de priorisation de nos quelque 120 demandes syndicales initiales pour les ramener à une vingtaine. Nous voulions faire preuve de bonne volonté dans le contexte de la pandémie et nous nous espérions que ce serait réciproque. Ce n’a pas été le cas jusqu’à maintenant.

Véronic Lapalme (VL) : De plus, le gouvernement n’a rien proposé de neuf à l’alliance APTS-FIQ en ce qui concerne les matières intersectorielles (salaires, retraite, droits parentaux, disparités régionales) depuis mai dernier, alors qu’il offrait un maigre 5 % d’augmentation salariale sur trois ans en réponse à notre demande de rattrapage de 12,4 % pour la même période.

Bleu APTS : Est-ce que la crise sanitaire nous prive de la conjoncture favorable que nous espérions pour cette négociation?

EB : Bien sûr. Au départ favorable, le contexte a radicalement changé depuis 2019. Nous nous adressions alors à un gouvernement disposant de surplus budgétaires considérables, qui ont fondu avec la pandémie.

Ceci dit, non seulement les finances publiques québécoises s’en sortent relativement bien malgré la pandémie, mais le gouvernement a plusieurs options1 à sa portée pour hausser ses revenus et soutenir les réseaux publics.

VL : Sans compter que les investissements pour relancer l’économie post-pandémie devraient viser aussi les secteurs d’emploi où l’on retrouve principalement des femmes, comme les services publics, et pas seulement la construction, qui favorise les hommes avant tout.

Bleu APTS : Qu’en est-il de l’alliance APTS-FIQ maintenant que la FIQ a une entente de principe?

EB : L’alliance APTS-FIQ reste d’actualité puisqu’il s’agit d’une entente sur les matières sectorielles uniquement. Le comité national extraordinaire de négociation de la FIQ avait rejeté la première entente soumise, jugeant qu’elle ne répondait pas au besoin de ses membres de voir s’opérer une différence réelle dans leur quotidien au travail. Devant ce refus, le gouvernement a fait un effort supplémentaire pour les satisfaire. Comme la FIQ ne représente que quelques titres d’emploi, il est plus facile de les réunir autour de quelques demandes-clés. Pour obtenir des changements significatifs dans les milieux de travail plus diversifiés de ses membres, l’APTS doit travailler sur plusieurs fronts. C’est plus complexe.

Pour convenir d’une entente globale avec la FIQ, il faut qu’il y ait aussi une entente sur les matières intersectorielles, ce qui suppose au préalable un règlement sectoriel avec l’APTS et l’acceptation par nos deux organisations d’une offre salariale apte à apaiser la grogne légitime de nos 131 000 membres.

Bleu APTS : Et si le gouvernement ne bouge pas…?

EB : L’APTS aura des choix à faire : soit réduire ses attentes, ce qui serait bien cruel compte tenu des efforts consentis jusqu’à présent, soit rester ferme. Cette dernière option exige l’alourdissement des moyens de pression, pouvant mener à la grève dans les mois à venir. Elle nous expose aussi à un décret, que personne ne souhaite, pas même le gouvernement puisque son image en pâtirait. Dans tous les cas s’il y a un choix que l’équipe de négociation refuse de faire, c’est celui de conclure une entente de principe qui ne satisferait pas la majorité de ses membres.

Bleu APTS : Quelle est votre stratégie devant ces perspectives?

VL : Nous devons chercher sans relâche à accroître la visibilité de l’APTS, à augmenter la pression et à faire connaître plus largement la teneur de nos demandes, qui sont tout à fait légitimes et raisonnables. Pour ce faire, nous planifions des actions pour les semaines à venir, que nous entendons moduler en fonction de ce qui se passera à la table de négociation.

Bleu APTS : Comment témoigner de son appui au comité de négociation sans enfreindre les mesures sanitaires?

VL : La distanciation physique nous prive du rapport de force de la rue et du nombre, c’est un fait. Les déplacements interrégionaux n’étant pas recommandés, nous devons exclure l’option d’une grande manifestation nationale. C’est pourquoi des précautions strictes sont prises, allant jusqu’au port de la visière et à la prise de température, là où des actions sont menées avec des groupes limités.

Bleu APTS : Et si le gouvernement en vient à faire des ouvertures intéressantes…?

EB : Dès qu’elle aura quelque chose d’intéressant en main, l’équipe restreinte qui est à la table de négociation convoquera le comité national de négociation, composé d’une cinquantaine de personnes. Si ce comité ratifie l’entente de principe, elle sera ensuite soumise au conseil général (près de 200 personnes élues). L’ultime étape consistera à convoquer des assemblées générales spéciales dans chacune des unités pour que l’ensemble des membres puissent se prononcer.

Bleu APTS : Comment les membres peuvent-ils suivre l’évolution de la négo?

VL : Au cours de l’été dernier les membres de l’exécutif national ont fait une large tournée pour rencontrer les membres dans les régions. Ce n’est malheureusement pas possible de multiplier ces rencontres mais le site negoapts.com, les bulletins Info Négo et l’incontournable Facebook tentent de pallier ce manque de contact direct. Et surtout, consultez votre exécutif local, bien au fait des développements grâce aux canaux de communication mis en place. Soyez prêt·e·s à répondre à leur appel!

1. À ce sujet lire l’article « Après la pandémie, l’austérité? »

Photo : Manifestation le 15 décembre 2020 à Montréal devant l’édifice où le premier ministre François Legault tenait une conférence de presse pour annoncer le resserrement des mesures de confinement jusqu’en janvier.

Propos recueillis par Chantal Mantha  |  17 décembre 2020