Pour que la violence au quotidien ne soit plus la norme

Pour que la violence au quotidien ne soit plus la norme

Coups de poing, coups de pied, morsures, crachats, les agressions sont quotidiennes dans les résidences à assistance continue (RAC) des centres de réadaptation en déficience intellectuelle et trouble du spectre de l’autisme (CRDITSA). Elles engendrent de très nombreux arrêts de travail et quantité de démissions. Face à ce fléau, les équipes syndicales agissent.

Nancy Poulin, représentante nationale, et Sonny Gagné, délégué au comité consultatif CRDITSA de l’APTS

Prenons l’exemple du Saguenay‒Lac-Saint-Jean. Il y a belle lurette que les représentant·e·s du syndicat ont compris que s’en remettre à la direction, dépassée par la gravité du problème, ne suffirait pas. Comme il était hors de question d’abandonner les intervenant·e·s à leur sort, l’équipe a mis en place un plan qui implique d’agir sur plusieurs fronts.

« Depuis la création des RAC, à la suite de la désinstitutionalisation, la clientèle a changé et, sous l’influence de différents facteurs, elle s’est alourdie. Il y a bien peu de réadaptation possible dans ce contexte. Les services offerts dans le réseau des RAC, tel qu’il existe actuellement, ne répondent pas à ses besoins. La violence prend racine dans cette inadéquation. Notre objectif est la révision en profondeur de l’organisation des services et du parc résidentiel, résume Nancy Poulin, représentante nationale de l’APTS dans la région. Il faut tout revoir : la composition des équipes, la formation de leurs membres, les équipements et les installations. »

Pour ce faire le syndicat profite de la volonté de collaboration de l’employeur, qui partage ses inquiétudes. « Sensible aux préoccupations de santé et de sécurité du travail (SST), la directrice dont relèvent les RAC a approuvé la création d’un comité paritaire SST pour réfléchir ensemble aux moyens d’améliorer les conditions de sécurité », poursuit Nancy Poulin. L’APTS mène ce combat en collaboration avec le syndicat qui représente les auxiliaires aux services de santé et sociaux, appartenant à la catégorie 2.

L’employeur n’est pas sans savoir que l’APTS pourrait aussi se tourner vers la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST). Il y a dans la violence que subit le personnel matière à différents recours en vertu non seulement de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST), mais aussi du Code civil du Québec et de la Charte des droits et libertés de la personne, qui protègent les droits à la santé, à la sécurité et à l’intégrité des salarié·e·s.

« Toutefois, pour atteindre notre objectif global il faudra que notre réflexion sorte du Saguenay‒Lac-Saint-Jean et que d’autres régions aux prises avec le même terrible roulement de personnel interpellent Québec », lance Nancy Poulin.


Le plan de l’équipe syndicale prévoit d’ailleurs des représentations politiques auprès des député·e·s caquistes de la région pour les sensibiliser et obtenir des engagements clairs de leur part. Des rencontres sont prévues d’ici la fin avril à Roberval et à Alma. Du côté de l’opposition, Sylvain Gaudreault, du Parti québécois, s’est montré très ouvert à appuyer les demandes syndicales.

Documenter, un impératif

En attendant les changements de fond espérés, il y a urgence de soutenir les salarié·e·s qui font les frais de la situation actuelle. C’est un autre volet du plan d’action qu’explique Sonny Gagné, représentant du Saguenay-Lac-Saint-Jean sur le comité consultatif CRDITSA créé par l’APTS en juin 2017.

« Pour toutes sortes de raisons, liées en partie à la culture du milieu, les intervenant·e·s ne remplissent pas systématiquement les rapports d’incident-accident. Ce qui fait que le syndicat ne dispose pas d’un portrait juste de la situation. Nous avons donc créé un formulaire de cueillette de données. Cet outil en main, nous avons lancé une campagne d’information sur les droits des personnes salariées et sur l’importance de divulguer tout incident, même s’il ne se solde pas par un recours à la police ou à une ambulance. »

Sachant le culte que vouent les décideurs ministériels aux statistiques, cette étape est incontournable pour étayer les représentations syndicales en vue d’une révision complète du modèle des RAC. Le rapport qui permet de documenter les incidents, les accidents et les situations dangereuses constitue aussi un outil de prévention pour agir dès maintenant et réduire les risques auxquels trop d’intervenant·e·s sont exposé·e·s.

Rédaction Chantal Mantha | Collaboration Audrée Debellefeuille-Dunberry | 19 avril 2019