Plus urgent que jamais de lutter contre les paradis fiscaux

Plus urgent que jamais de lutter contre les paradis fiscaux

À la crise sanitaire actuelle s’ajoutera une importante crise des finances publiques. Maintenir le filet social qui a été si précieux au cours des derniers mois ne sera pas une mince affaire : nos gouvernements ne doivent en aucun cas permettre aux plus fortuné·e·s d’échapper à leurs obligations fiscales. Un outil est à leur portée.

Dans le cadre des consultations visant à renforcer la transparence de la propriété effective des sociétés canadiennes, le collectif Échec aux paradis fiscaux a déposé en avril 2020 au gouvernement fédéral un mémoire réclamant la création d’un registre des bénéficiaires effectifs. Mais de quoi s’agit-il!?

Une des stratégies bien connues pour éviter de payer taxes et impôts est d’utiliser d’autres entreprises comme écrans ou prête-noms. En créant ainsi des structures de propriété complexes il devient difficile de savoir qui, ultimement, possède réellement une entreprise. En ce moment, il est trop facile de camoufler les propriétaires réels d’une entreprise en en créant d’autres qui agissent comme intermédiaires.

Imaginons par exemple un bar de quartier inscrit au registre des entreprises sous le nom XXXX-9999 Québec inc. Lorsqu’on consulte le registre, on peut voir que son directeur est Georges Tremblay, le gérant, et que le premier actionnaire est une autre compagnie à numéro, le XXXX-8888 Québec inc. Mais qui possède vraiment le bar? On peut certes faire des recherches sur cette autre compagnie à numéro, mais elle aussi peut être détenue par une compagnie. Et comme le registre indique seulement le nom de l’actionnaire le plus important, on ne pourra pas connaître celui des autres propriétaires s’il y en a plus qu’un. De surcroît, si l’entreprise appartient à une autre entreprise qui, elle, est immatriculée à l’extérieur du Canada, il est impossible de remonter plus haut.

Cela complique évidemment le travail de récupération des taxes et impôts des agences de revenus, mais également celui des policier·ère·s qui cherchent à savoir si le crime organisé se cache derrière une entreprise, de culture de cannabis par exemple. C’est également très difficile pour les journalistes, les groupes de la société civile et les citoyen·ne·s de dénoncer des situations aberrantes.

C’est donc pour régler en partie le problème de transparence des entreprises privées que le collectif Échec aux paradis fiscaux propose de créer un registre des bénéficiaires ultimes.


Ce registre serait public et obligerait les entreprises à divulguer qui est ultimement leur propriétaire.

Pour faire de ce mécanisme un outil efficace afin de lutter contre l’évitement fiscal, le Collectif recommande notamment :

  • que toute personne qui possède au moins 10 % d’une entreprise soit légalement tenue de le déclarer
  • que le registre soit public et gratuit afin de permettre aux médias, chercheur·se·s et lanceur·se·s d’alertes d’avoir accès à l’information
  • que le registre s’applique aux sociétés comme aux fiducies
  • que des sanctions dissuasives et exemplaires soient mises en place en cas de non-respect de l’obligation de divulgation

Retrouver les sommes perdues

Mais est-ce que ce registre permettra aux gouvernements de récupérer une part des huit milliards de dollars qui sont perdus chaque année à cause des paradis fiscaux?

On peut lutter plus efficacement contre l’évasion fiscale, l’évitement fiscal et le blanchiment d’argent en identifiant qui bénéficie des activités d’une entreprise. Le registre public donnera aussi confiance à la population en imposant une exigence élevée de transparence aux entreprises et aux entités juridiques assujetties.

Les gouvernements du Québec et du Canada ont déjà fait preuve d’une certaine ouverture à mettre en place un tel registre. En décembre dernier, un mémoire favorable à l’instauration d’un registre des bénéficiaires effectifs a également été déposé par le collectif Échec aux paradis fiscaux au gouvernement du Québec. Lors de l’annonce du budget 2020 le 10 mars dernier, soit quelques jours avant le début du confinement, le gouvernement du Québec a annoncé la création d’un registre public des bénéficiaires effectifs assujettissant les entreprises et les fiducies. Le Collectif a salué cette initiative. Nous espérons que le gouvernement du Québec gardera le cap au moment de la reprise économique.

Cependant, cette mesure à elle seule ne pourra permettre de récupérer tout l’argent, ni même une grande partie! D’autres mesures doivent être mises en place, sur lesquelles nous reviendrons.

Ainsi, le collectif Échec aux paradis fiscaux doit continuer son travail afin de mettre fin au scandale du recours aux paradis fiscaux par les gens plus fortunés et les multinationales, tant au Québec qu’au Canada. Et l’APTS entend maintenir son engagement dans cette lutte.

Rédaction Élisabeth Circé-Côté | illustration Luc Melanson | 18 juin 2020