Parlons de sexe

Parlons de sexe

Favoriser la sexualité et la vie amoureuse des adultes présentant une maladie neuromusculaire. Tel est le titre et l’objectif d’un guide de pratique en ergothérapie qui a valu un des prix Stars du réseau de la santé à ses auteures, six étudiantes à la maîtrise. L’une d’entre elles, Samar Muslemani, nous le présente.

« Dans son sens large, qui inclut l’intimité et la vie amoureuse, la sexualité est un sujet rarement abordé par les professionnel·le·s qui travaillent auprès de personnes atteintes de maladies neuromusculaires. On parle ici des dystrophies, des ataxies et des neuropathies. Le manque de connaissances au sujet de l’impact des limitations physiques résultant de la maladie sur les capacités sexuelles, les doutes quant au rôle professionnel en matière de sexualité et l’inconfort face à un sujet délicat expliquent ce silence. Autant le personnel que les patient·e·s hésitent à parler de ce sujet tabou », déplore Samar Muslemani.

« C’est pourtant au cœur de la qualité de vie, poursuit-elle. L’ergothérapeute a pour objectif de favoriser la réalisation des activités significatives de son patient. Nous l’aidons à devenir le plus autonome possible pour s’habiller, se laver ou manger. La sexualité devrait être incluse. »

« Pour pallier le besoin que nous savions existant, dit-elle, notre groupe a choisi de développer un guide à l’intention des ergothérapeutes dans le cadre de la maîtrise en ergothérapie de l’Université de Sherbrooke (UdeS). » Le projet a été réalisé sous la supervision de la professeure Cynthia Gagnon, du Groupe de recherche interdisciplinaire sur les maladies neuromusculaires (GRIMN) de l’UdeS.

Ergothérapeute à temps partiel au CLSC de Chicoutimi, Samar Muslemani entame sa deuxième année à la maîtrise de recherche en sciences de la santé à partir du campus Saguenay de l’UdeS. C’est elle qui a été désignée pour faire la promotion du guide, ici comme à l’étranger.

C’est elle aussi qui l’a soumis aux prix de la Caisse Desjardins du Réseau de la santé. Le groupe est arrivé en 4e position dans la catégorie Projet moderne. Cette catégorie cible les initiatives générant des avantages pour les patient·e·s et leur famille en mettant de l’avant de nouvelles façons de faire. Et innovation, il y a!

« C’est le premier guide sur le sujet en ergothérapie en maladies neuromusculaires. Il ouvre la porte à une nouvelle sphère d’intervention et de spécialisation. Il permettra d’améliorer les services offerts aux gens aux prises avec des maladies rares, trop souvent négligées en raison du peu de connaissances et d’expertise relatives à ce domaine », explique Samar.

De plus, les informations qu’il contient pourront s’appliquer à d’autres déficiences pour lesquelles les clinicien·ne·s sont aussi à la recherche de solutions.

La jeune chercheure et praticienne souligne l’importance accordée à la façon d’aborder le sujet, dans le respect des personnes. On leur tend une perche qu’elles sont libres de saisir ou pas, selon leurs besoins et aussi leurs réserves. Dans sa pratique, forte des outils que lui fournit le guide, elle se sent plus à l’aise d’en parler.

« Quand des patients font des demandes et expriment ensuite de la reconnaissance pour le soutien obtenu, j’éprouve une fierté particulière car, après tout, c’est pour eux qu’on fait ça. »


Le guide répertorie et documente un ensemble d’interventions à intégrer dans la pratique des ergothérapeutes pour aider les gens atteints d’une maladie neuromusculaire à s’épanouir sur le plan sexuel et amoureux malgré les symptômes (ex.: perte de force, fatigue, atteintes respiratoires, spasticité, perte de mobilité).

L’intérêt des ergothérapeutes pour le nouvel outil est manifeste. Depuis son lancement officiel à l’occasion de la Journée internationale des maladies rares, le 28 février dernier, les demandes fusent de partout. Le GRIMN tient à ce qu’il soit mis gratuitement à leur disposition. Ainsi, des ergothérapeutes de partout à travers le monde le consultent et commencent à l’appliquer.

Il a été intégré au contenu d’un nouveau cours en ergothérapie sur la sexualité à l’UdeS. Samar a eu l’occasion de présenter le guide dans le cadre du Congrès de l’Association canadienne d’ergothérapie et des demandes proviennent également de l’extérieur du pays. Il est en voie d’être traduit en anglais. « C’est un projet en continuelle évolution », s’enthousiasme la jeune ergothérapeute.

Photo illustration : Lydia Lefebvre, Justine Cloutier, Camélia Mailhot Tanguay, Samar Muslemani, Éliane Berniquez et Geneviève Lamoureux

Propos recueillis par Chantal Mantha |  28 août 2019