Parcours d’une passionnée

Parcours d’une passionnée

C’est une femme fière et bien déterminée à faire rayonner l’APTS qui a été élue par le congrès à la présidence de l’organisation syndicale le 19 novembre dernier. «Je veux que l’APTS se donne les moyens de ses ambitions et participe pleinement aux débats publics, qu’elle n’hésite pas à prendre l’initiative. Nous devons créer des liens avec d’autres organisations pour cumuler nos forces au service de causes communes», lance Andrée Poirier.

«J’aimerais que nous puissions ensemble réactiver le sens profond du syndicalisme, qui est la primauté du collectif, poursuit-elle. Que voulons-nous collectivement pour notre communauté, pour notre société, pour notre monde? En répondant à ces questions, nous découvrons que nous avons les mêmes objectifs, les mêmes valeurs. À partir de là, il n’y a pas de raison pour que nous ne puissions pas travailler ensemble.»

Le concept de collaboration est tout de suite là, au cœur de sa vision des choses et de l’orientation qu’elle veut donner à sa présidence. « Je crois que tout le monde a un rôle à jouer, indispensable pour que les projets voient le jour. Le respect de la partition de chacun·e dans l’orchestre, c’est ce qui fait l’harmonie de l’œuvre. »

Issue d’une famille de musicien·ne·s, initiée très tôt à la scène et chanteuse au sein d’un groupe féministe, Andrée Poirier sait de quoi elle parle.

« J’entends assumer à 100 % mes responsabilités de chef d’orchestre. Je souhaite que mon leadership contribue à établir un bon climat de travail et que nous arrivions à nous faire confiance dans l’exercice de nos rôles respectifs, à nous dire au besoin ce qui ne va pas. »


Consciente de son talent de meneuse, elle sait cependant qu’elle n’est pas seule, qu’elle peut compter sur la force et l’expertise de toutes les équipes qui forment l’organisation.

Tout un défi

Car les dossiers sont nombreux et de taille. La diversité des titres d’emploi est déjà un défi d’envergure. L’APTS est le syndicat de plus de 56 000 personnes et ces dernières s’attendent à recevoir des services efficaces et à être bien représentées. Depuis la reconfiguration du réseau, les exécutifs locaux ont vu s’alourdir considérablement leur charge de travail et, malgré les nouveaux moyens mis à leur disposition, peinent à répondre à la demande. L’organisation doit avoir les moyens de répondre à ces attentes.

Pour une nouvelle présidente, les défis sont aussi de nature personnelle. Au moment de faire cette entrevue, 12 jours après son entrée en fonction, elle avait déjà présidé des réunions du comité exécutif et du conseil national, réalisé plusieurs entrevues, pris la parole dans deux conférences de presse, rencontré un ministre… «Le rythme de travail d’une présidente syndicale est encore plus intense que ce que j’avais imaginé, convient-elle. Le défi pour moi sera de trouver un équilibre dans ma vie car, bien que je sois hyper sociable, j’ai aussi besoin de me ressourcer dans le calme auprès de mon mari et d’être présente pour mes enfants et mes petits-enfants. Je rêve que nous puissions être un modèle en matière de conciliation famille-travail-vie personnelle.»

«Le défi est d’autant plus grand pour moi que je suis une justicière dans l’âme, confie-t-elle. Je voudrais pourfendre toutes les injustices, répondre à toutes les demandes. Je vais devoir pondérer mes élans.»


Mais d’où lui vient cette volonté de redresser tous les torts?

Dédiée aux autres depuis toujours

Jeune étudiante, Andrée souhaitait devenir infirmière. Mais le cancer qui a emporté une de ses filles a fait dévier ce parcours. Elle s’est tournée vers le travail social. Et elle s’est engagée à fond auprès des enfants autistes, allant jusqu’à en accueillir plusieurs, d’abord comme famille d’accueil puis comme répit pour les familles.

« J’ai toujours voulu vivre et travailler en cohérence avec les valeurs qui font de moi qui je suis : le partage, la solidarité, la compassion. Auxquelles j’ajouterais le féminisme, une flamme allumée dès l’école secondaire sous l’influence des Sœurs grises et de ma sœur Louise. »

Elle trouvera matière à se battre pour les autres durant ses études en travail social à l’Université du Québec en Outaouais, qu’elle a adorées, et au sein des groupes communautaires qui soutiennent les proches de personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale, les jeunes et les personnes en situation d’itinérance. Durant cette période, elle coordonne le Regroupement des intervenant·e·s en travail social au Centre hospitalier Pierre-Janet (CHPJ) et encadre des stagiaires en psychiatrie.

Quand le CHPJ auquel elle est rattachée est intégré au Centre de santé et de services sociaux (CSSS) de Gatineau, la résistance s’organise pour préserver la mission de l’établissement. Andrée met à contribution ses aptitudes pour la défense des droits et l’advocacy.

Andrée en compagnie de son mentor syndical André P. Gaudreau

C’est à cette époque qu’elle est recrutée par André P. Gaudreau, ex-président APTS au CSSS de Gatineau, dont la ferveur syndicale la convainc. Elle est d’abord élue vice-présidente et libérée pour la négociation locale en 2012, puis succède à André P. Gaudreau à la présidence de l’exécutif local, avant de devenir représentante nationale APTS en 2016. Elle sera ensuite élue au poste de secrétaire du comité exécutif national en 2018.

Elle conserve un excellent souvenir et des liens encore bien vivants de ses années de travailleuse sociale. « J’aimais tellement être en relation avec la clientèle en psychiatrie et avec les responsables de résidences de type familial qui l’accueillent. C’était gratifiant de faire une différence dans la vie des gens. C’était encore possible dans ces années-là de leur consacrer des journées entières. J’ai vu les conditions de pratique en travail social se détériorer petit à petit », déplore-t-elle.

« Je ne suis pas pour autant du genre à résister au changement. Je préfère embarquer dans le train pour voir comment influencer positivement sa trajectoire », dit-elle.


C’est dans cet esprit qu’elle a vécu les réformes successives du réseau et qu’elle entend maintenant soutenir les membres sur le terrain.

«Ma force, c’est ma capacité de créer des liens, des liens auxquels je crois profondément, pour agir ensemble.»

Photo principale : Andrée Poirier (en rouge) compte sur les forces vives de l’APTS pour assurer le succès des négociations en cours en vue du renouvellement de la convention collective

Propos recueillis par Chantal Mantha | photo principale Alexandre Claude | 19 décembre 2019