Maintenir la pression sur les profiteurs de paradis fiscaux

Maintenir la pression sur les profiteurs de paradis fiscaux

L’indignation populaire contre les entreprises et les individus qui échappent au fisc a atteint des sommets ces dernières années à la suite des scandales des Panama Papers et des Bahamas Leaks. Quel devrait être le plan du nouveau gouvernement pour établir une véritable justice fiscale au Québec?

En fait, le plan est déjà tracé. L’Assemblée nationale a reçu de la Commission des finances publiques (CFP), en avril 2017, le Rapport sur le phénomène du recours aux paradis fiscaux, résultat de deux ans de travaux. Ce document − auquel tous les partis politiques ont adhéré − comprend 38 mesures fortes, aptes à faire du Québec « un chef de file en matière de lutte contre les paradis fiscaux », estime Érik Bouchard-Boulianne, militant du collectif Échec aux paradis fiscaux.

Car le Québec doit agir et ne pas s’en remettre au gouvernement canadien, ont fait valoir les signataires, dont la présidente de l’APTS, d’une lettre publiée dans les journaux en juillet dernier. On y rappelait que le Canada, par des accords signés avec des pays comme les Bahamas, les îles Caïmans ou les îles Vierges britanniques, permet aux filiales de sociétés canadiennes installées dans ces pays de ramener ici des profits sans payer un sou d’impôt.

Ces stratagèmes d’évitement fiscal, si abusifs, voire immoraux, soient-ils, ne sont pas illégaux.


C’est ce qui permet à la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) d’investir dans les paradis fiscaux avec la bénédiction du gouvernement, ce dont elle ne s’est pas privée au cours des dernières années. Si les mesures proposées par la CFP devaient être mises en œuvre, la CDPQ et toutes les entreprises auxquelles elle donne le mauvais exemple devraient revoir leur stratégie.

Quelques pistes de solution

Voici quelques exemples de ce que le nouveau gouvernement pourrait faire pour contrer l’évasion fiscale et l’évitement fiscal abusif qui privent annuellement l’État québécois de 0,8 à 2 milliards de dollars.

  1. Priver de contrats gouvernementaux les fournisseurs de produits et services qui recourent aux paradis fiscaux ou conseillent à leurs clients de le faire
  2. Se dissocier des conventions fiscales conclues par le Canada avec des pays comme la Barbade ou le Luxembourg
  3. Obliger la CDPQ à réduire ses investissements dans les entreprises pratiquant l’évitement fiscal abusif
  4. Imposer une taxe sur les profits détournés vers les paradis fiscaux, comme le font déjà l’Australie, la France et le Royaume-Uni
  5. Modifier les règles sur les prix de transfert pour empêcher d’y recourir
  6. Restreindre aux entreprises qui restent au Québec l’octroi des crédits d’impôt pour la recherche et le développement

Sensibilisé par le consensus établi par la CFP, le gouvernement libéral sortant a mis en place certaines autres mesures recommandées, comme la taxation de la vente en ligne ou la rémunération des lanceurs d’alerte. Des signes de bonne volonté que le collectif Échec aux paradis fiscaux n’a pas manqué de souligner, et qui vont rapporter, comme l’ont fait d’ailleurs les efforts de récupération fiscale des années précédentes.

Les paradis fiscaux constituent certes un phénomène complexe, mais qu’on aurait tort de croire indélogeable. Que les partis politiques québécois aient réussi à s’entendre à ce sujet est prometteur. Sans doute ont-ils pris conscience de l’intolérance croissante des contribuables à l’endroit des riches qui ne paient pas leur écot. Et surtout, ils auront entrevu tout ce qu’ils pourraient promettre – et réaliser – si ces milliards de dollars aboutissaient dans les coffres de l’État plutôt que dans des comptes off-shore.

Au cours des derniers mois, le collectif Échec aux paradis fiscaux, auquel l’APTS participe activement, a produit plusieurs capsules d’information:

 

Rédaction Chantal Mantha | 2 OCTOBRE 2018