Le droit à une psychothérapie

Le droit à une psychothérapie

La pandémie a sans aucun doute un impact sur notre bien-être psychologique. Beaucoup vivent avec la crainte d’être contaminés ou de contaminer leurs proches. Le niveau de stress et l’isolement augmentent avec les limitations imposées sur nos activités quotidiennes. Pour plusieurs raisons personnelles telles que l’épuisement ou la colère, certains renoncent à respecter les consignes du gouvernement.

Plusieurs sont confrontés à un important stress financier et à la conciliation famille-travail. Lorsque le stress dépasse nos ressources internes, la concentration, la capacité à gérer nos émotions et nos comportements sont mis à rude épreuve. Nos capacités d’adaptation ont déjà été très sollicitées lors de la première vague de la pandémie. Comment s’assurer de ne pas totalement les épuiser dans la deuxième vague?

La Coalition des psychologues du réseau public québécois est préoccupée par la hausse de 20 % des réclamations pour des antidépresseurs chez les assureurs privés au Québec depuis le début de la pandémie. Cette hausse est d’autant plus inquiétante sachant que la fréquence de prescription d’antidépresseurs était déjà très élevée avant la pandémie. À l’automne 2019, la Régie de l’assurance maladie du Québec rapportait déjà une hausse de 68 % de la consommation d’antidépresseurs chez les adolescentes dans les cinq dernières années. Déjà en 2010, une personne sur sept assurée par le régime public d’assurance médicaments du Québec s’était vu prescrire des antidépresseurs[i].

Il va sans dire que la prescription d’antidépresseurs est nécessaire dans certaines situations. Toutefois, ce traitement est trop souvent utilisé en raison de difficultés d’accès aux psychologues. Les mieux nantis vont consulter au privé et les autres voient leur condition se détériorer sur des listes d’attente dans le réseau public. Les médecins se trouvent trop souvent démunis face à des gens en détresse dans leur bureau et la seule option de traitement rapide et possible est la médication.

Sachant que la psychothérapie est à la fois un traitement aussi efficace et parfois moins dispendieux que la médication[ii] et qu’elle réduit davantage les risques de rechute ou de dégradation, sachant que les compétences développées en psychothérapie peuvent continuer de s’améliorer après le traitement, sachant que les gens adhèrent plus à la psychothérapie qu’aux antidépresseurs (entre autres en raison des effets indésirables de la médication), sachant que la psychothérapie permet à la personne d’utiliser ses forces et ses ressources personnelles pour faire des changements durables, il ne fait aucun doute que toute personne qui en exprime le besoin devrait avoir accès à la psychothérapie dans des délais raisonnables.

L’accès aux psychologues dans le réseau public devrait être significativement amélioré afin que toute la population puisse bénéficier de leurs services rapidement.


Les Québécois devraient pouvoir recevoir des soins de santé physique autant que des soins de santé psychologique de qualité. En quoi consistent des soins de santé psychologique de qualité? Des interventions adaptées aux besoins de chacun : le nombre de séances et l’approche thérapeutique devraient être choisis par le psychologue en fonction des besoins uniques de chaque individu. Les psychologues font un doctorat après environ 10 ans de formation spécialisée et sont formés pour déterminer, avec leur client, l’approche adaptée à chacun ainsi que la durée des interventions. Est-ce qu’on demande aux oncologues de limiter le nombre de traitements de chimiothérapie avec leurs patients, ou est-ce qu’on leur impose des traitements précis à prescrire?

Les soins spécialisés en psychologie ne devraient pas être réservés à ceux qui ont les ressources pour consulter un psychologue en privé. Le gouvernement doit s’assurer d’attirer et de retenir les psychologues dans le réseau public afin qu’ils puissent offrir des services indispensables à la population. Recevoir des services de psychothérapie appropriés dans des délais raisonnables est un droit fondamental, spécialement pendant une pandémie.

[i] Conseil du médicament, 2011
[ii] Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESS), 2018

[NDLR] En complément consultez le blogue de Bertrand Schepper de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques, Québec doit ajouter 500 M$ en santé mentale, 9 oct. 2020

Rédaction Karine Gauthier, psychologue et neuropsychologue, Catherine Serra-Poirier, Connie Scuccimarri, Béatrice Filion et Vickie Beauregard, psychologues, et Stéphanie Tremblay, neuropsychologue | 23 octobre 2020

1 commentaire

  1. Mélanie Flamand le 24 octobre 2020 à 11 h 29 min

    Je souhaite vous partager une ressource dont la mission est de favoriser l’accessibilité à la psychothérapie. Il s’agit d’ACCÈS-PSY, un organisme qui aide les personnes à plus faible revenu à accéder à la psychothérapie en analysant, avec la personne, sa capacité à payer vs ses revenus. L’organisme remet au psychothérapeute la partie manquante, jusqu’à concurrence de 70$.

    Il est clair que cela n’enlève aucunement le fait que selon moi, la psychothérapie devrait être un service public accessible à tous par le biais de notre carte d’assurance maladie. La santé mentale et la santé physique sont liées, alors je ne comprends pas pourquoi le physique surpasse le psychologique lorsqu’il est question de prendre des décisions pour le bien-être et la santé des citoyens du Québec. Car, il restera toujours une partie de la population qui n’auront pas les moyens de se payer une psychothérapie, même à très faible coût.

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