L’APTS scrute l’OCCI

L’APTS scrute l’OCCI

L’utilisation de l’Outil de cheminement clinique informatisé (OCCI) est en voie d’être généralisée dans la plupart des milieux. Panacée pour certain·e·s, source de préoccupations pour d’autres, quel accueil doit-on lui réserver?

Lorsqu’il a été introduit, l’OCCI était surtout utilisé dans le cadre du suivi du soutien à domicile (SAD) pour le maintien de l’autonomie, en remplacement de l’Outil d’évaluation multiclientèle (OEMC). Son usage a été progressivement étendu. La tendance est de l’imposer à l’ensemble des professionnel·le·s et des technicien·ne·s des services psychosociaux et de la réadaptation. En vue d’évaluer l’impact de l’introduction de cet outil sur le travail de ses membres, l’APTS a lancé un sondage à la fin juin et a réuni un groupe de consultation le 13 septembre dernier.

La fréquence d’utilisation, les difficultés éprouvées, le temps qui y est consacré en présence des patient·e·s et au bureau ainsi que la charge de travail qu’elle représente, l’efficacité de l’outil à établir les besoins et à favoriser la participation de l’usager, sa compatibilité avec le jugement clinique de l’intervenant·e et sa pertinence : ce sont là les aspects étudiés en vue d’orienter le soutien à apporter aux membres et de déterminer les recommandations éventuelles à faire au ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS).

Développé par l’équipe de recherche de Nicole Dubuc, professeure à l’Université de Sherbrooke, cet outil est défini comme «une démarche qui permet une réponse individualisée aux besoins de la personne et de sa famille, basée sur des processus cliniques et sur des données probantes ». Il est censé guider pour mieux cerner la réponse aux besoins, sans exclure le jugement clinique. C’est pourtant une des inquiétudes qu’il suscite.

De plus, l’OCCI nécessite l’utilisation d’un portable lors des visites à domicile car il doit être rempli en présence de la personne en attente de services. C’est un irritant pour certain·e·s, qui y voient un obstacle au développement du lien de confiance nécessaire à l’établissement de la relation d’aide.

Ses promoteurs prétendent que l’OCCI réconcilie les cheminements clinique et administratif, une prétention qui reste à vérifier.


Sur papier, plusieurs caractéristiques paraissent prometteuses, comme par exemple :

  • le caractère global de l’évaluation et multidisciplinaire de l’approche
  • le fait que l’on veuille encourager la prise en charge de ses problèmes par la personne concernée, fixer les objectifs avec elle et la faire participer au traitement
  • la promotion de l’interdisciplinarité et de la complémentarité
  • l’accès en temps réel aux données et à un soutien décisionnel pour les intervenant·e·s

Qu’en est-il dans la « vraie vie »? Pendant plus d’un an, le MSSS a réalisé des projets pilotes dans trois centres intégrés, celui de Chaudière-Appalaches, de la Montérégie-Ouest et de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal, avant de recommander un déploiement plus large qui, bien sûr, devrait toujours être précédé d’une formation d’une dizaine d’heures. Nous avons recueilli les commentaires de quelques personnes qui ont participé à ces projets pilotes. Parmi les réserves émises, on retient :

  • le temps requis pour remplir le long questionnaire, qui vient alourdir la tâche du personnel déjà surchargé
  • l’incongruité de poser des questions qui sont sans rapport avec le service demandé et l’expertise de l’intervenant·e
  • la pertinence inégale des indicateurs générés par des algorithmes et la nécessité de toujours les examiner à la lumière du jugement clinique

Par ailleurs, les quelque 1 000 réponses à notre sondage en ligne reçues au cours de l’été permettront de mieux cerner les nouvelles réalités qu’entraîne l’introduction de cet outil dans les milieux de travail.

Que doit-on penser de cette nouvelle initiative de standardisation de la pratique des membres de l’APTS? Alors que plusieurs postes sont toujours vacants et que les listes d’attente pour l’accès aux services demeurent longues, quelle part du travail des intervenant·e·s devrait être consacrée à cette collecte chronophage de statistiques de plus en plus poussées? Si l’employeur exige l’utilisation de l’OCCI, quelles mesures devraient être mises en place pour garantir le maintien de bonnes conditions de pratique? C’est ce que la démarche de consultation de l’APTS nous permettra d’établir.

RÉDACTION CHANTAL MANTHA | COLLABORATION AUDRÉE DEBELLEFEUILLE-DUNBERRY  illustration GENEVIÈVE CÔTÉ | 2 OCTOBRE 2018