Les femmes avaient bien besoin de nouvelles normes du travail

Les femmes avaient bien besoin de nouvelles normes du travail

La réforme en profondeur de la Loi sur les normes du travail (LNT) tant espérée par les groupes de femmes et les syndicats ne s’est pas réalisée. Plusieurs modifications constituent néanmoins des avancées pour les femmes qui ne bénéficient pas de la protection d’une convention collective [1] et aussi pour les membres de l’APTS.

Le 12 juin dernier, l’Assemblée nationale a mis fin aux travaux entourant le projet de loi no 176, en adoptant la Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d’autres dispositions législatives afin principalement de faciliter la conciliation famille-travail. Si certains changements étaient annoncés, plusieurs amendements ont été entérinés tout juste avant l’ajournement de la session parlementaire.

Conciliation famille-travail-études

À défaut d’avoir obtenu la loi-cadre réclamée dans un mémoire par la Coalition pour la conciliation famille-travail-études, dont l’APTS fait partie, qui aurait obligé les employeurs à s’attaquer réellement à cet enjeu central, il y a lieu de se réjouir des mesures nouvelles ou améliorées qui faciliteront le soutien des proches. Les femmes en profiteront davantage puisque cette responsabilité leur est encore majoritairement dévolue.

Ainsi, le nombre de semaines d’absence autorisées pour certains événements liés à des responsabilités parentales a été augmenté et des motifs d’absence ont été ajoutés. Il faut saluer l’élargissement de la notion de parent, qui inclut désormais la famille du conjoint et la reconnaissance du statut de proche aidant pour l’obtention de ces congés. Cette bonne nouvelle est venue toutefois avec une retombée susceptible d’avoir une répercussion sur les membres de l’APTS. En effet, un amendement apporté à la dernière minute précise que c’est à un∙e professionnel·le de la santé et des services sociaux membre d’un ordre professionnel que reviendra la tâche d’attester de cette qualité de proche aidant. D’ici le 1erjanvier 2019, date d’entrée en vigueur de cette disposition, les modalités de son application feront l’objet d’une attention particulière de la part de l’APTS.

Toutefois, l’accès élargi à des congés n’en garantit pas pour autant l’accessibilité puisque la dimension financière compromet trop souvent la concrétisation des avancées législatives. Dans les faits, les personnes à faible revenu, majoritairement des femmes, ou celles dont la situation familiale ne permet pas de partager avec un∙e conjoint∙e l’impact financier de tels congés, se voient privées des bénéfices de telles mesures. C’est pourquoi, depuis des lustres, les groupes de défense des droits des femmes et les syndicats réclament que 10 jours soient rémunérés pour responsabilités familiales sans être soustraits des congés de maladie. En effet, les statistiques le prouvent : les mères d’enfants d’âge préscolaire prennent encore aujourd’hui presque deux fois plus de congés que les pères en raison de leurs responsabilités personnelles ou familiales.

Harcèlement et violence

La sphère privée n’est pas sans conséquence sur le milieu de travail. Pour la première fois, la violence conjugale ou à caractère sexuel est un motif reconnu par la loi pour l’obtention de congés autorisés. Cette avancée contribuera sans doute à briser les tabous dans les milieux de travail.

La vague de dénonciations du mouvement #moiaussi n’est certainement pas étrangère à l’inclusion explicite du harcèlement sexuel dans la définition du harcèlement psychologique, créée en 2004.


Cet ajout permettra de mieux documenter ce fléau, qui pourra ainsi faire l’objet d’une attention particulière lors de l’élaboration d’une politique de prévention et de traitement des plaintes. Cette dernière sera obligatoire dans chaque milieu de travail à compter du 1er janvier 2019. Puisque la très grande majorité des établissements du réseau ont déjà une politique en vigueur concernant le harcèlement psychologique, une révision sera requise pour tenir compte de ces importantes modifications.  L’Intersyndicale des femmes a produit un mémoire en mai 2018 sur cet enjeu spécifique lors des consultations sur le projet de loi n176. Plusieurs propositions ont trait aux bonnes pratiques dans de telles politiques.

L’ampleur des dénonciations a aussi permis de prendre la mesure des réticences des victimes à porter plainte. Le délai pour déposer une plainte après la dernière manifestation de harcèlement psychologique passe ainsi de 90 jours à deux ans, ce qui constitue un changement majeur. Malgré ce délai prolongé, il est crucial de ne pas tarder à porter à l’attention de son employeur toute situation qui s’apparente à du harcèlement psychologique et qui requiert qu’il prenne des moyens pour y mettre fin.

L’impact des modifications apportées à la LNT sur les conditions de travail des membres de l’APTS reste à analyser plus en profondeur mais, pour avoir un aperçu rapide des changements et connaître leur date d’entrée en vigueur, vous pouvez consulter le site de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST).

[1] En 2016, 53,1 % des salarié·e·s au Québec (1,9 million de personnes) n’avaient que la Loi sur les normes du travail pour encadrer leurs conditions de travail.

Rédaction Élaine Giroux | Collaboration Chantal Mantha Illustration Marie-Pier Primeau | 1er octobre 2018