Entretien avec Robert Comeau et Josée Fréchette

NÉGO 2023 : comment la gagner?

NÉGO 2023 : comment la gagner?

Il y a comme une effervescence dans l’air à l’APTS. Le véritable coup d’envoi d’une nouvelle ronde de négociations de la convention collective sera donné dans quelques jours à peine avec le dépôt des revendications et l’organisation au complet est réquisitionnée pour finaliser les préparatifs. Nous en avons profité pour nous entretenir avec Robert Comeau, président, et Josée Fréchette, 1re vice-présidente et responsable politique de la négociation nationale, afin de recueillir leurs impressions à l’approche de ce rendez-vous incontournable de notre vie syndicale.

À peine sorti·e·s de la dernière ronde de négociations, nous voilà déjà sur le point d’en amorcer une nouvelle. Que retenez-vous de la précédente?

RC : La plus grande leçon que nous a servie le gouvernement Legault est tirée tout droit des enseignements de Machiavel : en désignant certains titres d’emploi comme plus méritants sur la base de la sympathie ou de la notoriété dont ils jouissaient dans l’opinion publique, il a réussi à semer la discorde et à diviser des travailleur·euse·s pourtant issu·e·s du même secteur public – parfois du même secteur d’activités – et affilié·e·s au même syndicat. Soyons lucides, ce choix relève de la stratégie politique et non du hasard, et vise essentiellement à affaiblir le rapport de force des employé·e·s de l’État. Ce sera donc à nous de ne pas mordre à l’hameçon et de resserrer les rangs lorsque le gouvernement tentera à nouveau de saper notre unité lors de cette nouvelle ronde.

JF : C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous présenterons cette fois-ci des cahiers de demandes plus succincts mais dont les revendications bénéficieront à l’ensemble de nos membres, peu importe leur titre d’emploi ou leur secteur d’activités. De cette manière, nous préservons notre précieuse cohésion et évitons de prêter le flanc aux tentatives de désolidarisation du  gouvernement.

En désignant certains titres d’emploi comme plus méritants, [… le gouvernement Legault] a réussi à semer la discorde et à diviser des travailleur·euse·s pourtant issu·e·s du même secteur public, parfois du même secteur d’activités, affilié·e·s au même syndicat.


Quels obstacles pressentez-vous dans le cadre de ce nouveau bras de fer et comment comptez-vous les surmonter?

RC : Le gouvernement Legault s’entête à voir le recours au secteur privé comme une solution efficace et viable au problème de pénurie de main-d’œuvre alors que de nombreuses études démontrent le contraire et que le bilan des politiques néolibérales des dernières décennies le confirme. À défaut de lui faire entendre raison, nous devrons rallier les travailleur·euse·s et les Québécois·es autour de l’idée d’un réseau public de santé et de services sociaux fort, qui livre ses promesses en matière de qualité et d’accessibilité. Pour cela il n’y a qu’une solution, celle d’ un investissement massif dans le réseau pour le rendre à nouveau séduisant. C’est un enjeu central pour l’APTS et nous intensifierons nos efforts de sensibilisation et de dénonciation, tant dans le cadre de la négociation qu’en parallèle, comme par exemple dans les forums de consultation en lien avec le Plan santé du ministre Dubé.

JF : J’ajouterais que lors de la dernière ronde de négociations le gouvernement Legault a fait montre d’une rigidité et d’une intransigeance déconcertantes, et que les résultats des dernières élections provinciales – qui lui ont conféré une majorité encore plus confortable – ne laissent pas présager davantage de diplomatie cette fois-ci. Pour répliquer à la pression du gouvernement nous devons lui opposer un front uni, vigoureux et déterminé. C’est pourquoi l’APTS a rejoint les rangs du Front commun aux côtés de la CSN, de la CSQ et de la FTQ.

Concrètement, en quoi consiste un front commun et qu’est-ce que celui-ci représente pour vous?

JF : Un front commun consiste à coaliser plusieurs syndicats afin que ceux-ci aient un poids collectif plus important à la table de négociation, généralement appelée table centrale. Traditionnellement, on négocie principalement à cette table quatre matières dites intersectorielles : le salaire, le régime de retraite, les droits parentaux et les disparités régionales. Le gouvernement concède dans ce cas les mêmes conditions de travail à tou·te·s ses employé·e·s – peu importe leur affiliation syndicale – d’où l’intérêt de les négocier en front commun.

RC : Pour l’APTS, faire partie de ce Front commun est majeur car c’est la première fois qu’un syndicat indépendant se joint en son propre nom à une telle coalition. Cela démontre que notre organisation est devenue une actrice incontournable du réseau de la santé et des services sociaux!

Nous avons fait le choix stratégique de former l’alliance la plus large possible pour pouvoir peser sur la balance face au gouvernement. Qu’à cela ne tienne, nous serons 420 000 travailleur·euse·s du secteur public et parapublic et nous parlerons d’une seule voix!


Quelles seront les grandes priorités de cette négociation?

RC : Alors que le gouvernement québécois était considéré comme un employeur de choix il y a quelques décennies, il fait dorénavant figure de très mauvais patron. En termes de rémunération globale, c’est un retard de près de 10 % qu’affichent maintenant ses employé·e·s par rapport à l’ensemble des autres salarié·e·s québécois·es1! L’amélioration substantielle des salaires est donc incontournable, tout particulièrement dans cette ère d’inflation qui voit les travailleur·euse·s du gouvernement du Québec s’appauvrir de plus en plus.

Cet enjeu est d’autant plus crucial qu’il ne touche pas uniquement ces travailleur·euse·s, mais bien l’ensemble des Québécois·es. L’amélioration des conditions de travail dans le secteur public est indispensable si l’on veut réellement s’attaquer à la pénurie de main-d’œuvre qui y sévit et qui prive la population des soins et services qu’elle requiert.

JF : Dans le réseau de la santé et des services sociaux plus spécifiquement, les travailleur·euse·s veulent aussi pouvoir prendre soin d’eux·elles et de leurs proches, surtout après tous les sacrifices qu’il·elle·s ont « consentis » durant la pandémie. La question des vacances, des  horaires de travail et du temps supplémentaire obligatoire sont autant d’enjeux qui préoccupent nos membres et que l’APTS placera au cœur de cette négociation. Le temps travaillé non rémunéré, le temps de repos et la compensation des inconvénients subis par le personnel qui travaille de soir, de nuit et les fins de semaine sont d’autres sujets que nous comptons aborder avec le Comité patronal de négociation du secteur de la santé et des services sociaux (CPNSSS) lors de la négociation des matières sectorielles.

Quelle est la bonne recette pour réussir cette négociation?

JF : Nous nous sommes déjà doté·e·s d’un levier puissant en rejoignant le Front commun mais la mobilisation des membres derrière les comités de négociation demeure la clé de voûte. Aucune négociation n’a été gagnée sans que les travailleur·euse·s fassent voir et entendre leur mécontentement.

RC : Tout à fait, et c’est véritablement à la portée de tou·te·s. Que ce soit en sensibilisant ses proches dans un souper de famille ou un 5 à 7 entre ami·e·s, en portant fièrement sur soi les couleurs de sa négociation ou encore en se mobilisant lors des actions de visibilité et autres manifestations, chacun·e de nos membres a le pouvoir de faire bouger l’aiguille. Le syndicat n’est pas qu’un siège social et des personnes  élues locales, c’est chacun·e d’entre nous, uni·e·s sous une même bannière pour porter ensemble des revendications que nous savons justes. En route, on lâche pas!

À  V E N I R

• Le Front commun déposera son cahier de demandes au Conseil du trésor le 28 octobre prochain. À cette occasion, une prise de parole des élus de l’APTS, de la CSN, de la CSQ et de la FTQ est prévue et sera diffusée en direct sur notre page Facebook. Ajoutez-la à vos événements à suivre pour ne pas rater cette étape charnière de notre négociation!
• L’APTS déposera son cahier de demandes sectorielles le même jour au CPNSSS. Restez à l’affût, des communications suivront sous peu.
• Afin de suivre l’évolution des pourparlers qui s’amorceront par la suite en vue de l’adoption de votre nouvelle convention collective 2023, consultez la page Négociations nationales 2023. Celle-ci sera mise à jour régulièrement.
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1 Institut de la statistique du Québec, Faits saillants – Rémunération des salariés. État et évolution comparés 2021, Québec, L’Institut, 2021, 9 p.

RÉDACTION LEÏLA ASSELMAN | 26 OCTOBRE 2022

2 commentaires

  1. Jean-François Ouellet le 31 octobre 2022 à 17 h 12 min

    J’espère que vous allez réussir à nous avoir quelques chose de mieux cette fois-ci, en tant que technologiste médical on a encore une fois été les grands oubliés de cette négociation, tout augmente sauf nos salaires, notre pouvoir d’achat diminue d’année en année. Le goût de changer de syndicat est de plus en plus grand , cette fois là c’est à notre tour faites le comprendre au gouvernement si vous ne voulez pas qu’on change de syndicat. Et en passant laissez donc faire la nouvelle orthographe qui n’est même pas reconnue officiellement et qui alourdit inutilement vos texte , les règles du français c’est le masculin quand on parle en général , pas parce que les hommes sont plus forts parce que c’est plus simple c’est tout. Merci

    • La rédaction le 2 novembre 2022 à 11 h 25 min

      M. Ouellet,

      Merci pour votre commentaire que nous prenons très au sérieux. Nous savons les difficultés vécues par les technologues – tant en imagerie médicale, qu’en radio-oncologie, en électrophysiologie médicale et en médecine nucléaire – et le déficit de notoriété qui touche ces titres d’emploi. Nous vous invitons d’ailleurs à rester à l’affût : la semaine de la grande famille de l’imagerie médicale qui se tient du 7 au 11 novembre sera une belle occasion de souligner votre expertise et votre contribution au réseau de la santé et des services sociaux.

      Pour ce qui est de la nouvelle ronde de négociations – et tel qu’indiqué dans le texte -, la stratégie adoptée par l’APTS a été de mettre de l’avant des revendications qui bénéficieront à tou·te·s les membres, sans égard à leur titre d’emploi. Nous croyons qu’ainsi, nous préserverons notre esprit de corps durant la négociation tout en répondant aux besoins de tou·te·s les professionel·le·s et technicien·ne·s affilié·e·s à l’APTS, qui vivent somme toute des difficultés et des enjeux très similaires (manque de reconnaissance, pénurie, surcharge, poids de l’inflation, etc.). Pour plus d’information sur les revendications du Front commun, nous vous invitons à consulter ce document ; pour nos demandes sectorielles, consultez notre page Web dédiée.

      Finalement, sachez que l’adoption de la Politique de neutralisation des textes de l’APTS remonte à 2009, aussi n’est-ce rien là de nouveau. Avec 86% de femmes membres de notre syndicat, nous aurions pu faire le choix du féminin universel mais nous avons choisi l’approche de la rédaction inclusive pour interpeller les femmes aussi bien que les hommes – nous croyons en effet que nous avons également comme responsabilité de contribuer à dégenrer le « care », qui est encore bien trop souvent associé au féminin. N’oublions pas que notre langue fait corps avec notre société et la reflète – il serait donc dommage voire préjudiciable de la fossiliser !

      Solidairement,

      La rédaction

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