Les femmes ne sont pas seulement des mères

Les femmes ne sont pas seulement des mères

Nous voilà de nouveau plongées dans les abysses du passé en matière de droit à l’avortement. Oui oui, on parle encore, en 2019, du droit des femmes de contrôler leur corps comme elles l’entendent. Comme quoi aucune lutte féministe n’est jamais acquise.

La saga a (re)commencé avec l’Alabama et sa loi arriérée, puis ont suivi le Kentucky, la Géorgie, le Mississippi… Au total, ce sont 28 états qui ont limité le droit des femmes en matière d’avortement depuis le début de l’année aux États-Unis. Paradoxe troublant, c’est arrivé en même temps que la tragédie de Granby. Pendant qu’au Québec, on jurait que les enfants allaient devenir notre priorité, de l’autre côté de la frontière on obligeait des enfants à naître dans n’importe quelles conditions. Il se trouve qu’en tant que professionnel·le·s du réseau public et témoins de la détresse humaine, nous connaissons trop bien les conséquences de grossesses non désirées.

Certain·e·s disent qu’il n’y a rien à craindre au Canada, mais je me méfie de la bête noire pro-vie qui attend dans l’ombre qu’on baisse notre garde pour attaquer et nous faire subir des reculs en matière d’avortement. La preuve en est qu’à l’aube des élections fédérales le Parti conservateur, qui prétend reprendre les rênes du gouvernement, a bien du mal à cacher son agenda anti-choix. J’ai peur qu’un débat censé être réglé depuis belle lurette reprenne avec plus de vigueur et ouvre la porte à des projets de loi limitant l’accès à l’avortement. J’ai peur qu’on engendre des humains dans des conditions inhumaines, j’ai peur que le droit de la religion soit plus fort que celui des femmes à disposer de leur corps, j’ai peur quand je vois des hommes décider à la place des femmes. J’ai peur, moi, de payer le prix parce que des hommes ont décidé ce qu’il adviendrait de mon corps, de ma sécurité, de ma liberté.

On entend qu’il faut concilier le travail et la famille, deux sphères de la vie distinctes, pourtant si souvent entremêlées. En ce moment, certains hommes républicains aux États-Unis veulent emprisonner les femmes dans une seule de ces sphères.

Ne nous laissons pas leurrer, le but caché derrière ce durcissement des lois sur l’avortement est de nous ramener au rôle traditionnel de femme au foyer afin de laisser les hommes gérer l’économie, la politique, bref la société.


À cela je réponds : laissez nos utérus tranquilles! Nous avons le droit de décider si nous voulons des enfants et quand nous les voulons.

Nous représentons la moitié de la population, donc nous pouvons être la moitié de tout, non? La moitié dans les gouvernements, les conseils d’administration, les présidences, les directions et pas seulement la douce moitié d’un foyer.

Non, nous ne courberons pas l’échine malgré nos dos fatigués de porter le poids de l’inégalité entre les sexes depuis tant d’années. Nous n’accepterons pas d’être réduites au simple rôle de porteuses d’ovules et reproductrices de cellules. Nous ne retournerons pas à nos fourneaux, assujetties à la servitude. Nous, les femmes, ne sommes pas que des mères, nous avons nos propres rêves, nos réflexions, nos opinions, nos ambitions, comme les hommes. Nous voulons participer au développement de la société et être présentes dans tous les lieux de pouvoir.

Je choisis donc de regarder vers un avenir meilleur, et non vers le passé, pour qu’un jour toutes les femmes puissent vivre sans peur et avancer la tête haute sans se faire taxer d’agressives ou d’ambitieuses si elles sortent les griffes pour obtenir ce qu’elles veulent. Bref, tout ce que je souhaite, c’est de voir les femmes s’accomplir en tant que citoyennes à part entière, et non pas seulement en tant que mères.

Rédaction Laure Letarte-Lavoie | illustration Marie-Pier Primeau | 26 septembre 2019

5 commentaires

  1. Christine Hochwald le 1 octobre 2019 à 4 h 38 min

    Très bon texte !

  2. Lyne le 1 octobre 2019 à 10 h 37 min

    Vous mettez sur papier mes inquiétudes profondes. Je crains comme la peste que nous devions refaire un combat pour défendre notre liberté décisionnel.

  3. Marie eve le 2 octobre 2019 à 22 h 12 min

    Très beau texte et oui il ne faudra pas baisser la garde, pour nous et pour nos filles.

  4. Renald le 4 octobre 2019 à 8 h 35 min

    Éloquent et lumineuse vérité…

  5. Marie-Josée le 8 octobre 2019 à 7 h 13 min

    Je suis tout à fait d’accord avec vous, malheureusement les pro-vie sont déjà bien actifs sur le terrain avec les Centres Options ou autres qui ouvrent un peu partout au Québec. L’avortement ne fait pas partie de leurs options…

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