Les conseils d’une championne
Les conseils d’une championne
Qui dit engagement syndical dit leadership et influence. Or en raison de la socialisation genrée, trop de femmes sous-estiment leur capacité d’assumer les mandats de prise de décision, de mobilisation et de représentation qui viennent avec les responsabilités syndicales

La conférencière émérite Rosette Côté
Les participantes à la deuxième rencontre du Réseau des responsables locales d’action féministe, tenue le 26 octobre dernier, ont eu droit à une conférence d’encouragement pour le moins persuasive, livrée par Rosette Côté.
Celle qui fut chef de cabinet de ministres au tournant des années 2000, avant d’être la première présidente de la Commission de l’équité salariale, est aujourd’hui consultante et formatrice en leadership féminin. Forte d’une carrière impressionnante amorcée dans l’enseignement, le militantisme syndical et le féminisme au sein de la CEQ, devenue la CSQ, qui lui a permis de développer ses capacités à exercer une influence certaine, Rosette Côté a livré quelques ingrédients de la recette de son succès professionnel. Voici ce qu’on en a retenu.
1. Travailler sur soi
Pour que nos collègues nous suivent, pour inspirer la confiance, il est essentiel d’être habitée par une solide confiance en soi, ce qui n’est pas toujours facile pour les femmes. Alors il faut travailler son assurance et sa posture, se faire drôle, ne pas hésiter à se donner du crédit et à faire sa propre promotion. Au diable la réserve et la modestie! Parallèlement, on gagne à connaître ses forces et ses faiblesses, à être attentive à ses réactions, à se regarder aller comme on dit.
2. Comprendre son rôle et les résistances syndicales
Les stéréotypes sur les qualités propres à l’un et l’autre genre persistent aussi dans le monde syndical. On a tendance à voir davantage les hommes occuper la position de leader et à croire que les femmes ne seront pas suffisamment disponibles, qu’elles sont trop sensibles au regard des autres, trop émotives ou vulnérables pour affronter les incessantes batailles associées à la culture syndicale.
3. Se documenter et connaître ses dossiers
Il importe, bien sûr, de comprendre les enjeux réels et cachés, de pratiquer son esprit de synthèse, d’analyse et de raisonnement, d’argumenter en s’appuyant sur les faits et les preuves, et ce, avec une optique féministe.
4. Contrôler ses émotions et lire celles des autres
Préparez-vous à devoir tenir compte des effets de vos paroles et de vos idées sur les autres. Tout en transmettant vos émotions dans vos propos, vous devez maîtriser vos propres débordements et être à l’affût des réactions et des manifestations de désaccord d’autrui.
5. Travailler son intelligence politique
La capacité de provoquer des changements s’acquiert avec le temps, à force d’apprécier la complexité d’une organisation et des enjeux, des menaces et des ouvertures. Il faut apprendre à choisir les moyens adaptés aux circonstances et aux personnes, à établir des alliances judicieuses, à déterminer le bon moment pour lâcher prise, décider ou régler.
6. Se préparer avant une réunion
Une règle d’or qui vous permettra de ne pas perdre de vue l’objectif poursuivi, d’être prête à toutes les éventualités en gardant toujours une solution de rechange dans sa petite poche arrière. Et ne pas se décourager après une défaite.
7. Lire la dynamique du groupe
Qui mène vraiment au sein du groupe? Qui influence qui? Quelles sont les personnes sur lesquelles on peut compter? Quant à celles qui sont indécises, quels arguments pourraient les faire pencher du côté souhaité? Chaque groupe a sa chimie propre, dont il convient de découvrir la formule.
8. Savoir argumenter et passer ses messages
Les personnes à convaincre, ce sont les autres et non pas soi-même, c’est donc sur elles que l’attention être dirigée tout en s’assurant de demeurer en relation avec l’auditoire. Il est toujours mieux d’avoir écrit au préalable son intervention, d’avoir préparé un message concis, de présenter une idée à la fois et de l’illustrer par des exemples, de manière à pouvoir concentrer son attention sur sa réception.
9. Organiser la stratégie et la prise de parole
Quand c’est possible, il est sage de déterminer avec les personnes alliées l’ordre des interventions et leur contenu. Dans tous les cas, il ne faut pas négliger de pratiquer son intervention pour offrir une livraison optimale.
10. Se forger une carapace
Ah, diront certaines, c’est plus facile à dire qu’à faire. Il est toujours temps d’apprendre à choisir ses batailles, à accepter qu’on ne fera pas l’unanimité et à mettre son désir de se faire aimer de côté. Une mentore ou une femme-miroir à qui se confier facilitera les choses et aidera à progresser, tout comme le soutien des membres de ses réseaux.
Il faut être stratège pour faire valoir ses points, ce qui implique de savoir ce que l’on veut, de travailler sur sa personnalité, de bien cibler les personnes à convaincre et de cerner les intérêts des un·e·s et des autres.
La conférencière a conclu en disant que l’influence s’appuie à la fois sur la raison et l’émotion, sur la mise en valeur de ce que l’on est et de ce que l’on sait, sur ce que l’on devient à force d’introspection et d’ouverture aux autres. Toute délibération doit être vue comme un débat de valeurs et non de personnalités. Et il ne faut porter aux attaques sexistes que l’attention qu’elles méritent, comprendre qu’elles sont des armes pour nous déstabiliser. Passer outre durant un débat est parfois la meilleure chose à faire… à ce moment-là.