Le télétravail : à quelles conditions? – 2e partie

Le télétravail : à quelles conditions? – 2e partie

Nous poursuivons notre revue de vos conditions de travail appliquées au contexte du télétravail en abordant deux questions sensibles : la surveillance de l’employeur et la propriété de l’équipement informatique.

Avec le télétravail les technologies de l’information et des communications occupent plus d’espace que jamais dans nos vies professionnelle et personnelle, avec de multiples effets sur la confidentialité et notre vie privée à laquelle tout le monde a droit. Examen d’un impact multiforme.

Contrôle et surveillance de l’employeur

Considérant ses responsabilités en matière de respect du temps de travail, de santé et de sécurité du travail ou de sécurité informatique, votre employeur a un pouvoir de contrôle avéré sur ces dimensions du travail à domicile.

En matière de santé et de sécurité du travail par exemple, l’employeur peut au besoin visiter et évaluer votre poste de travail. Il doit cependant le faire pour des raisons valables, sur vos heures de travail et vous donner un préavis convenable de sa visite.

En ce qui a trait à la navigation et à la manipulation des données numériques, l’employeur a le droit de surveiller, sous certaines conditions, les activités des salarié·e·s car il est responsable de la sécurité de son système.

Pour ce faire, et indépendamment du fait que l’on soit en télétravail ou non, l’employeur doit mettre en place et diffuser une politique entourant l’utilisation des technologies de l’information et des communications. Les personnes salariées doivent être préalablement informées des mesures de contrôle que l’employeur entend déployer.

Plusieurs logiciels et l’intelligence artificielle permettent un contrôle de plus en plus serré des actions et des tâches effectuées par le personnel en télétravail (temps d’utilisation, actions de collaboration entre collègues, nombre de frappes ou de clics, etc.). Il faut s’en soucier et questionner les employeurs à ce sujet.

Bien qu’établi, ce droit de contrôle des employeurs doit être compatible avec le droit d’une personne salariée de jouir, malgré tout, d’une certaine protection de sa vie privée et de son autonomie professionnelle.


Si la surveillance de l’employeur n’est pas interdite, la Charte des droits et libertés de la personne exige cependant qu’elle soit justifiée par des motifs rationnels et conduite par des moyens raisonnables. Ainsi, il doit y avoir un lien entre la mesure de contrôle prise par l’employeur et les exigences du bon fonctionnement de l’établissement. Il ne saurait s’agir d’une décision purement arbitraire et appliquée au hasard.

La décision même de soumettre les personnes salariées à une surveillance doit s’appuyer sur des motifs raisonnables.


Les moyens déployés doivent permettre l’atteinte de l’objectif recherché tout en étant le moins intrusifs possible et être proportionnels à cet objectif. Par exemple l’employeur peut voir les adresses de la messagerie de la personne salariée, mais ne pourra accéder à son contenu sans motifs sérieux.

Propriété du matériel informatique

L’APTS désapprouve plusieurs politiques de télétravail qui imposent aux personnes salariées d’utiliser leur propre appareil électronique. Bien qu’un refus d’utiliser nos propres appareils électroniques pourrait compromettre la conclusion des ententes de télétravail, nous croyons que cette exigence brouille la frontière entre le système informatique de l’établissement associé au droit de contrôle sur celui-ci de l’employeur et le droit à la vie privée des personnes salariées concernées.

De plus, l’employeur a une certaine responsabilité de fournir les moyens de production et les outils de travail à ses salarié·e·s. À l’intérieur ou hors de ses installations, l’employeur doit s’assurer que son personnel dispose d’un équipement mobilier et informatique convenable pour mener à bien ses tâches et fonctions ainsi qu’afin de rencontrer les règles de sécurité informatique et de santé et de sécurité au travail.

Cependant, puisqu’actuellement les conventions collectives et les lois du travail ne comportent pas de dispositions précises sur le télétravail et sur l’utilisation d’appareil électronique personnel, les leviers de réclamation sont limités. Nous poursuivons malgré tout nos représentations sur cet aspect névralgique découlant de certaines politiques de télétravail.

À lire aussi : «Le télétravail par choix et par obligation» et «Le télétravail : à quelles conditions? – 1ère partie»

En complément, lire également : «Télépratiquez-vous?»

Rédaction Pierre Collin | illustration Alain reno | 4 juin 2021