Le génie (biomédical) qui prend soin de la vie

Le génie (biomédical) qui prend soin de la vie

Coordonnateur en génie biomédical depuis 1990, Serge Lesage circule dans les corridors de l’Hôpital Pierre-Boucher, à Longueuil, en saluant tout le personnel qu’il rencontre. C’est que le travail de son équipe est essentiel au bon fonctionnement d’à peu près tous les départements.

Les deux coordonnateurs et les cinq techniciens qui forment l’équipe de génie biomédical dans cet hôpital ont la charge de l’installation, du dépannage, de la vérification, de l’étalonnage, de l’entretien correctif et préventif de tous les équipements médicaux ainsi que des systèmes informatiques qui leur sont rattachés. Ils coordonnent également l’inventaire des équipements dans des installations extérieures relevant du CISSS de la Montérégie-Est.

Si Serge Lesage s’est spécialisé pendant 25 ans en endoscopie, c’est plutôt du bloc opératoire qu’il sortait quand nous l’avons rencontré, d’où sa « tenue de combat » vert hôpital. Laboratoires, services thérapeutiques en clinique externe, salles d’opération, soins aux patient·e·s hospitalisé·e·s : les membres de l’équipe tendent ainsi à se spécialiser pour plus d’efficacité. Par contre, parce que les contrats le prévoient, l’Hôpital Pierre-Boucher confie de plus en plus aux fabricants l’entretien de l’équipement lourd et sophistiqué d’imagerie médicale.

« Nous assurons l’entretien de chaque appareil médical du jour 1 de son arrivée à l’hôpital jusqu’à sa désuétude, explique Serge Lesage. Notre travail vise à prolonger sa durée de vie jusqu’à son remplacement, rendu nécessaire le plus souvent parce qu’il serait trop coûteux de le réparer ou parce que sa technologie est dépassée et qu’il n’existe plus de pièces de rechange. »

Assurant la gestion administrative de l’inventaire, bien placés pour repérer les risques associés à certains équipements, nos experts en génie biomédical vont donc aussi recommander de nouvelles acquisitions au moment opportun.

Question de sécurité

Selon l’impact du bon fonctionnement d’un appareil sur la condition, voire la survie, des patient·e·s, on lui attribue un degré de criticité, sur une échelle de 1 à 4. À titre d’exemple, le défibrillateur qui remet le cœur en marche après un arrêt cardiaque a une criticité de 1, qui commande une vérification prioritaire faite en fonction des recommandations du manufacturier. « Certains appareils ont une liste de recommandations longue comme ça, illustre le coordonnateur. Leur vérification requiert beaucoup de temps. »

«Parce que des vies en dépendent, il faut prévenir tout bris de service et faire preuve de la plus grande rigueur, en respectant les normes de notre réseau et les spécifications des fabricants.»


On est bien loin de la mécanique de vélo à cinq vitesses. Ici, pas de raccourci ni de compromis possible : on ne joue pas avec la sécurité du personnel et des malades.

Coordonnateurs et techniciens sont aussi responsables de l’utilisation optimale de ce précieux équipement et, pour ce faire, assurent la formation des utilisateur·trice·s. Ils travaillent ainsi en étroite collaboration avec les ingénieurs biomédicaux, les physiciens, les médecins, les infirmières et autres professionnel·le·s de la santé qui dépendent de la technologie pour le diagnostic, le traitement ou le suivi des patient·e·s.

Perspectives d’avenir

Interrogé sur sa perception de l’évolution de son secteur d’activité, Serge Lesage évoque sans hésiter la complexification croissante des équipements dont les performances apparaissent désormais sans limite. Parallèlement, les pratiques sont de plus en plus régulées.

« Les ordres professionnels et l’agrément exercent un contrôle très serré et créent une forte pression sur les directions d’établissement qui, bien sûr, nous la transfèrent. La volonté d’évaluer le rendement des investissements les incitent aussi à réclamer davantage de statistiques de performance. De plus, Santé Canada enquête de façon plus approfondie. Nous devons remplir un questionnaire après chaque incident en raison, notamment, de possibles poursuites. Pour toutes ces raisons, il faut constamment ajouter de nouvelles recrues dans l’équipe. »

Parlons-en du recrutement. Il est ardu dans un domaine où, avec un diplôme d’études collégiales en électronique, on peut travailler dans de multiples secteurs autres que médical. Il existe un certificat universitaire spécialisé, offert en visioconférence depuis 1999 par Polytechnique, mais le nombre de diplômés demeure trop restreint pour les besoins du réseau.

Qui plus est, le travail exige de maîtriser la langue anglaise car les formations en cours d’emploi ont fréquemment lieu au Canada anglais ou aux États-Unis. Sans compter que 90 % des manuels sont rédigés en anglais.

De vrais professionnels de la santé

En arpentant les corridors du centre hospitalier, Serge Lesage confie son admiration pour le personnel clinique qui, contrairement à lui, entre en relation avec des patient·e·s en proie à la douleur et à l’angoisse.

La plupart des clinicien·ne·s seraient sans doute prêt·e·s à témoigner aussi de leur estime pour ces collègues de l’ombre qui doivent posséder de grandes qualités pour s’acquitter de leurs responsabilités. Sens du service à la clientèle, débrouillardise, efficacité et rapidité d’intervention, capacité de travailler sous pression et d’agir en situation d’urgence, d’acquérir constamment de nouvelles connaissances en de multiples matières, dextérité manuelle et bon jugement : il faut tout ça et plus encore pour dompter les appareils qui prennent soin de la vie dans nos hôpitaux.

Rédaction Chantal Mantha | PHOTOS ALEXANDRE CLAUDE | 25 avril 2019