Financement axé sur le patient: péril en la demeure

Financement axé sur le patient: péril en la demeure

Au beau milieu de l’été et de façon très discrète, la ministre de la Santé et des Services sociaux, Danielle McCann, a annoncé la mise en place d’un projet expérimental dont le but avoué est d’implanter une nouvelle méthode de financement du réseau, le financement axé sur le patient (FAP). C’est un projet de très grande envergure puisqu’il touchera, à terme, l’ensemble des établissements publics dans toutes les régions du Québec.

C’est donc une réforme majeure qui s’apprête à frapper encore le personnel professionnel et technique. Parce qu’elle influence les décisions budgétaires prises par les gestionnaires des centres intégrés, la méthode de financement du réseau de santé et de services sociaux (RSSS) aura une influence directe sur l’organisation des soins et des services prodigués à la population. Elle apportera des changements tout aussi importants que ceux que nous avons malheureusement subis avec les projets de loi no 10 et no 20 de la réforme Barrette. Nous ne nous en sommes pas encore remis·es·qu’on nous en impose une nouvelle. Pourtant, le premier ministre François Legault s’était engagé à ne pas soumettre le RSSS à une nouvelle réforme de structures. Une charge de travail supplémentaire en vue pour un personnel qui est déjà au bout du rouleau…

Qu’est-ce que le FAP?

Sous un vocable accrocheur, mais tendancieux, le FAP regroupe trois méthodes de financement bien connues : sur le volume d’activité, sur la performance et sur les meilleures pratiques. Pour être en mesure d’appliquer ces méthodes, il faut déterminer un coût pour chaque épisode de soins. Cet exercice nécessite une quantité incroyable de données et l’implantation d’un nouveau système de gestion informatique dans l’ensemble des établissements publics mais, étrangement, pas dans les cliniques privées.

Déjà appliquées ailleurs, ces méthodes ont eu des effets pernicieux : augmentation des coûts de gestion, création d’une concurrence malsaine entre les établissements publics, entre eux et avec les établissements privés, surtraitement de certains cas et surclassement d’autres pour aller chercher davantage de financement, etc.

Les établissements qui vont bien « performer » et qui vont appliquer les meilleures pratiques (qui restent à déterminer) verront leur financement maintenu, mais ceux qui ne pourront pas atteindre les cibles imposées par le ministère verront leur financement réduit.

L’APTS s’est toujours opposée à un mode de financement basé uniquement sur la performance, le volume d’activité ou tout autre indicateur dont le but, avoué ou non, est de réduire les coûts du système public de santé et de services sociaux sans tenir compte de la qualité. Nous avons réitéré cette opposition dans un avis que nous avons fait parvenir à la ministre cet été.


Comme nous le mentionnons dans une lettre ouverte publiée le 10 septembre dernier, ce sont les soins et services psychosociaux ainsi que les établissements situés à l’extérieur des grands centres urbains qui risquent le plus de souffrir de cette nouvelle méthode de financement.

Dans le premier cas, la très grande diversité des parcours de soins et de services rend pratiquement impossibles la quantification et la comptabilisation des divers traitements. Quel traitement doit-on appliquer, quand doit-on l’arrêter? Imposer un financement basé sur la performance et sur le volume aurait des conséquences catastrophiques sur la qualité des soins et des services psychosociaux. Le FAP ne peut s’appliquer dans ce cas pour des raisons cliniques.

Dans le deuxième cas, les établissements en régions pâtiraient aussi de cette nouvelle réforme. Avec l’obligation de fournir une vaste gamme de services à une population dispersée sur un immense territoire, ces établissements ne pourraient compétitionner avec le volume et la spécialisation de ceux qui sont situés dans les grands centres urbains. Il faut maintenir un financement de base pour les régions.

Les dérives possibles de ce projet expérimental sont nombreuses et nous devrons suivre attentivement son déroulement. Les membres de l’APTS sont appelé·e·s à identifier les écueils qui se présenteront en cours d’implantation. Avec le FAP, tout est en place pour une privatisation croissante du RSSS. Et c’est ça le plus grand péril qui nous guette.

Rédaction Mathieu Leblanc | 26 septembre 2019