Élections fédérales : un gouvernement dépensier?

Élections fédérales : un gouvernement dépensier?

L’élection fédérale approche à grands pas! Le 21 octobre prochain, il faudra voter. La campagne électorale porte avec elle son lot de promesses, d’engagements et d’attaques plus ou moins fondées. En fait, dans le flot des différentes positions, on en vient à ne plus trop saisir certains enjeux.

Chaque parti y va de son appréciation et élabore sa propre version. Essayons d’y voir un peu plus clair. Le déficit est-il réellement trop élevé? Le gouvernement fédéral finance-t-il suffisamment les programmes sociaux? Qu’en est-il des transferts fédéraux en santé?

Déficit fédéral

Depuis 2015, le gouvernement fédéral affiche des déficits budgétaires. Comptant sur de maigres surplus au moment de leur arrivée au pouvoir, les libéraux ont décidé d’ouvrir les coffres, quitte à replonger en déficit. Est-il juste pour autant de décrire la situation budgétaire actuelle comme étant hors de contrôle?

Les données comprises dans le budget 2019-2020 déposé l’hiver dernier prévoyaient un déficit de 19,8 G $ pour l’année en cours. Pour contextualiser ce montant, qui semble astronomique, il faut garder en mémoire qu’il s’agit là d’un déficit ne représentant que 0,9 % du PIB canadien. À titre comparatif, le déficit public américain atteint de son côté 3,9 % du PIB. Selon les projections jusqu’en 2023-2024, le poids du déficit fédéral dans l’économie devrait baisser jusqu’à 0,4 %, rien de trop inquiétant.

C’est l’évolution de la dette fédérale qui importe. Afficher un déficit n’a rien de catastrophique si la dette demeure sous contrôle. Quoi qu’il arrive l’État parvient à financer ses activités, soit à l’aide de revenus fiscaux, soit par le biais d’emprunts. Ce qu’il faut, c’est s’assurer que notre niveau total d’endettement demeure viable. Bien que la dette fédérale ait augmenté de plusieurs milliards de dollars lors des quatre dernières années, la vigueur de l’économie canadienne renverse complètement ce portrait négatif. Le déficit pèse de manière négligeable sur l’économie canadienne, l’endettement global du pays (ratio dette/PIB de 30,7 %) se compare avantageusement à celui de nos principaux partenaires et le Canada arrive au 2e rang en ce qui concerne la croissance économique au sein du G7. Lorsqu’on compare, la situation des finances publiques canadiennes est enviable.

Augmentation des dépenses

Il n’y a pas une journée qui passe sans qu’un·e commentateur·trice ou un·e chroniqueur·euse ne reproche au gouvernement Trudeau d’avoir ouvert trop grand le robinet des dépenses. Pourtant, quand on s’intéresse de plus près aux données budgétaires, l’équipe libérale ne semble pas avoir vraiment tourné le dos aux politiques d’austérité du gouvernement Harper.

Les données budgétaires disponibles indiquent que, de 2020-2021 à 2023-2024, les revenus du gouvernement fédéral devraient augmenter plus rapidement que ses charges.

Parce que le plan de dépenses du gouvernement est plus modeste que ses prévisions de revenus, on est loin de la perte de contrôle tant décriée.


En fait, les dépenses de programme du gouvernement amorcent dès cette année un déclin qui les fera passer de 14,6 % du PIB à 13,8 % d’ici 2023-2024. Il s’agit là d’un niveau similaire à celui du milieu des années 1990, soit en pleine période de compressions budgétaires imposées par le gouvernement libéral d’alors afin d’atteindre le déficit zéro. Le gouvernement fédéral est-il si dépensier?

Les transferts fédéraux en santé

La part du gouvernement fédéral pour le financement des soins de santé est en chute libre. Au départ, le fédéral s’était engagé à financer 50 % des coûts à la charge des provinces dans ce secteur. Aujourd’hui, cette part est passée sous le seuil des 25 %. Le désengagement fédéral se poursuit, et ce, malgré le contexte budgétaire favorable à Ottawa. Il est prévu que le Transfert canadien en matière de santé augmente de 4,3 % cette année, un objectif en deçà de la cible des 6 % nécessaires au rehaussement de la contribution fédérale. La conséquence de cet écart est simple : Ottawa laisse les provinces assumer pratiquement seules l’explosion des coûts de la santé. Tout comme à l’époque du déficit zéro des années 1990, le fédéral privilégie sa santé budgétaire au détriment de celle des provinces.

Que penser de tout ça?

Le gouvernement fédéral est dans une situation budgétaire enviable. Dans un tel contexte, il va sans dire qu’il serait opportun de voir les partis promettre des mesures structurantes afin de relever les grands défis de notre époque : lutter contre les inégalités, empêcher la catastrophe climatique et assurer la qualité et la pérennité de nos programmes sociaux.

Sur ce, bon vote le 21 octobre prochain!

rédaction Philippe Hurteau | 10 octobre 2019