Lettre ouverte

Détresse psychologique au travail : à qui la responsabilité?

Détresse psychologique au travail : à qui la responsabilité?

Invitée comme panéliste à une conférence sur la santé mentale au travail organisée le 9 mai dernier par L’Arc-en-ciel des Seigneuries*, en collaboration avec d’autres organismes, j’ai présenté mon propre parcours et mon point de vue de représentante syndicale sur la délicate question de la santé mentale au travail.

Certaines personnes parmi les panélistes souffraient elles-mêmes de problèmes de santé mentale, d’autres étaient responsables d’un organisme venant en aide aux gens aux prises avec ces difficultés. À l’occasion de cette rencontre, j’ai pu constater à quel point les gens ciblent avant tout les facteurs individuels associés aux problèmes de santé mentale au travail. Conséquemment, ils pensent surtout en termes de conseils personnels comme : faire de l’exercice, apprendre à gérer ses crises de panique, bien dormir, prendre ses médicaments.

Sans nier qu’il existe réellement des fragilités individuelles en matière de santé mentale, je trouve important de mettre en perspective l’existence de plusieurs facteurs externes et organisationnels qui ont un impact majeur sur la santé mentale au travail.

En tant que représentante syndicale, je constate de plus en plus que les gens restent isolés avec leur détresse au travail. Ils se croient seuls à se sentir surchargés et incapables de répondre à toutes les demandes; ils hésitent à dénoncer des pratiques de gestion inacceptables; ils ont peur de subir des représailles s’ils osent revendiquer des conditions de travail plus humaines.

L’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) a développé une grille d’analyse des risques psychosociaux de la détresse au travail, dans laquelle on retrouve plusieurs facteurs externes ayant un impact sur la santé mentale au travail.


Parmi ces facteurs on retrouve la charge de travail, l’autonomie décisionnelle, la reconnaissance, le soutien social du gestionnaire et des collègues et la communication. À mon sens, ces facteurs aident grandement à cerner les causes de la détresse psychologique au travail.

Au cours des dernières années, avec la réforme centralisatrice du réseau de la santé et des services sociaux, j’ai pu observer, entre autres, une augmentation de la charge de travail et un recul de la liberté dans la prise de décision. Cette perte d’autonomie décisionnelle chez les professionnel·le·s et technicien·ne·s, qui ont étudié pour faire bon usage du jugement professionnel, engendre une perte de sens au travail et, par le fait même, une augmentation de la détresse psychologique au travail. À cela s’ajoutent le manque de reconnaissance des efforts, la priorité accordée à des cibles de performance souvent inatteignables ainsi que plusieurs autres facteurs tout aussi démobilisateurs. Et ce, au détriment de la qualité et de l’humanité des services offerts à la population.

À l’heure actuelle la détresse psychologique est criante dans notre milieu de travail en grande transformation. L’enquête réalisée par l’APTS en 2016 a révélé un fort taux de détresse psychologique chez ses membres à travers tout le Québec, bien supérieur à celui affiché par l’ensemble des travailleur·euse·s.

C’est pourquoi je vous invite à ne pas porter sur vos seules épaules l’entière responsabilité de votre souffrance au travail. Surtout, ne vous culpabilisez pas. La détresse psychologique au travail comporte une grande part de subjectivité et ne pourra jamais être totalement objectivable, comme les employeurs voudraient le croire et le laisser croire.

Les employeurs ont à leur disposition de nombreuses stratégies pour prévenir les problèmes de santé mentale au travail. Et ils ont tout avantage à mettre en place les moyens nécessaires pour prévenir un arrêt de travail coûteux. N’hésitez pas à nommer ce qui vous affecte et à vous faire aider au besoin par votre syndicat.

*L’Arc-en-ciel des Seigneuries

Rédaction Catherine Choquet, travailleuse sociale et vice-présidente, Syndicat APTS – CISSS Montérégie-Est | 21 juin 2019

6 commentaires

  1. Caroline le 21 juin 2019 à 20 h 43 min

    Très intéressant!
    Ça mets un petit baume sur un arrêt de travail en liens direct avec cet article!
    Merci!

  2. Linda G. le 21 juin 2019 à 21 h 22 min

    Ça fait presque deux ans que je suis en arrêt de travail, fibromyalgie , douleur chronique , burn out ou symptôme dépressif. Après une thérapie, on me dit que j’ai « un syndrome post traumatique  » , cauchemar , douleur, sommeil non réparateur , fatigue présente tout le temps et plus. Je ne croyais pas qu’un travail en milieu hospitalier pouvait nous ammener à ce diagnostic , mais je crois bien que c’est un bon verdique.

  3. Fabienne Chabot le 24 juin 2019 à 15 h 09 min

    Excellent portrait de la réalité, bravo!

  4. VAlerie le 26 juin 2019 à 16 h 15 min

    Super article! J’en ai parlé au travail et nous aimerions mesurer le taux de présentéisme au travail ainsi que le nombre de personnes qui pensent quitter l’emploi pour un autre….

    • Sachita Mahadoo le 2 août 2019 à 4 h 02 min

      Mon milieu de travail eSt rendu malsain. Je souffre depuis des mois. Changement de gestion un peu de temps, départ des gestionnaires et adaptation à de nouveau gestionnaire. J’occupe du mieux ma santé mental; demi marathon, velo, hiking, yoga et meditation. Malgré tout ça je dois faire face à chaque ce milieu malsain. APTS est mon espoir d’avoir un environnement de travail. sécuritaire

  5. Isa le 2 août 2019 à 18 h 18 min

    En arrêt de travail depuis 2 ans pour dépression suite à un épuisement professionnel. J’ai peur de retourner au travail car c’est fou. Plus exigeant, moins humain, moins d’autonomie, pas de temps pour les pauses ou pour diner. Non, mon retour éventuel m’emballe pas et me fait peur. 3 de mes collègues ont parti en maladie en même temps que moi mais elles sont revenues dans l’enfer. Oh la la.

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