Des expertises qui se complètent

Des expertises qui se complètent

Parmi les multiples collaborations développées par le Centre de réadaptation en dépendance (CRD) Le Virage, celle établie avec le groupe de médecine de famille (GMF) Charles-Le Moyne se démarque par l’engagement d’une équipe multidisciplinaire vouée au traitement des personnes souffrant d’une dépendance.

Kelly Neil, éducatrice, et Simon Déziel-Delisle, agent de relations humaines (ARH) et criminologue de formation, passent une journée par semaine dans cette clinique. L’avantage de travailler sur les mêmes lieux que les médecins de famille, c’est d’avoir la 1re et la 2e lignes sous le même toit et de pouvoir tenir des réunions de cas hebdomadaires réunissant tous·tes les professionnel·le·s, expliquent ces deux membres de l’équipe du Virage. « On gagne en efficacité en suivant les mêmes patient·e·s que les médecins, estime Simon. Les références vont dans les deux sens, sans perte de temps. C’est un vrai partenariat. »

Car l’approche gagnante est celle qui en combine plusieurs, qui prend en compte la motivation de la personne, son stress, ses autres problèmes. Une éducatrice comme Kelly, par exemple, porte une attention particulière à la réinsertion sociale, alors que l’ARH s’intéresse à la fonction de la dépendance dans la vie de la personne. Kelly et Simon voient de quatre à cinq personnes par jour, en plus d’animer des groupes.

Si l’intervention en groupe est la signature du Virage, il reste que quelque 20 % de la clientèle nécessite un suivi individuel. Au total, 60 % de leur semaine doit être consacré à du temps clinique direct.


Malgré la lourdeur du système administratif et l’éloignement de la direction, la culture propre au CRD Le Virage est toujours vivante, selon eux. Plusieurs facteurs y contribuent : la coordination assumée par des ARH qui connaissent la profession, la gestion participative prévalente, la marge de manœuvre dont bénéficient les intervenant·e·s, toutes des réalités qu’on ne retrouve plus dans d’autres milieux. Il faut dire que ne devient pas intervenant·e au Virage qui veut : les critères de sélection sont exigeants.

Point de vue médical

Le docteur François Couturier

Le docteur François Couturier

Le Dr François Couturier suit des patients dépendants aux opioïdes depuis 1996. Il se souvient du début de la collaboration avec Le Virage, entamée au début des années 2000, pour offrir des soins intégrés à cette clientèle. Aujourd’hui quelque 200 personnes dépendantes aux opioïdes, et atteintes pour la plupart d’autres maladies chroniques, sont suivies au GMF par l’équipe composée de deux intervenant·e·s psychosociaux, Kelly et Simon en l’occurrence, de deux infirmières et de plusieurs médecins détenant la formation nécessaire pour pouvoir prescrire des médicaments de substitution.

« Un travail d’équipe comme le nôtre permet de développer une expertise multidisciplinaire en plus de résoudre le problème d’accès aux médecins prescripteurs des patients du CRD », explique-t-il. Il recommande chaudement ce modèle, puisque la clientèle a généralement besoin d’une variété de services pour répondre à tous ses besoins, qu’ils soient physiques, psychologiques ou sociaux.

La dépendance aux opioïdes est une maladie chronique et récidivante, qui peut être mortelle. Elle nécessite un suivi à long terme et, idéalement, une certaine continuité dans la composition des équipes qui l’assurent. « Notre approche consiste à considérer tous les aspects de la vie des patient·e·s, poursuit le médecin de famille, et à les accompagner dans la prise en charge de leur propre condition. »

Le Dr Couturier reconnaît que ce ne sont pas tous les médecins qui sont à l’aise avec cette clientèle, au passé souvent trouble, et que la rémunération à l’acte ne favorise pas le choix de cette pratique. Il y trouve pourtant la source d’une profonde motivation. « C’est essentiel de soigner ces gens-là avant qu’ils aient tout perdu : travail, conjoint·e, enfants et dignité. »

À la une : Kelly Neil, éducatrice, et Simon Déziel-Delisle, agent de relations humaines (ARH) et criminologue de formation.

RÉDACTION CHANTAL MANTHA | COLLABORATION AUDRÉE DEBELLEFEUILLE-DUNBERRY PHOTO PHILIPPE DOUCET (F. COUTURIER) | 2 octobre 2018