Délestage et pratique professionnelle : ce qu’il faut savoir

Délestage et pratique professionnelle : ce qu’il faut savoir

Le délestage de membres de l’APTS et les réaffectations en CHSLD posent certains problèmes quant à la pratique professionnelle. L’urgence inhérente à la crise sociosanitaire et à l’obligation de juguler l’hécatombe dans les milieux de soins aux personnes âgées accentuent la désorganisation structurelle du réseau de la santé et des services sociaux.

La séquence typique vécue par nos membres se déroule en trois phases : le délestage, la réaffectation et le retour aux tâches régulières. Chacune de ces périodes pose des défis qui lui sont propres.

Le délestage

Avant de mettre ses activités professionnelles habituelles de côté, la personne salariée doit se demander si le préjudice du délestage est disproportionné par rapport aux avantages de la réaffectation. En effet, les besoins usuels des personnes desservies ne cessent pas d’exister parce qu’il y a une pandémie. Ainsi, il faut saisir le moment propice de dispenser certains soins physiques ou psychologiques sans quoi la condition des bénéficiaires peut rapidement se détériorer. Leur déconditionnement, c’est-à-dire les conséquences liées à l’inactivité, est aussi un risque à mesurer.

Même si les arrêtés ministériels récents permettent aux employeurs du réseau de la santé et des services sociaux de réaffecter une partie de leur personnel vers les CHSLD, il demeure nécessaire de sensibiliser les gestionnaires aux effets néfastes du délestage. Plusieurs ordres professionnels invitent d’ailleurs leurs membres à être proactifs et proactives à cet égard.

Une démarche collective peut être entamée en ce sens puisque votre jugement professionnel est nécessaire à la bonne marche du réseau. Un équilibre entre le délestage et la réaffectation doit être trouvé au bénéfice de tou·te·s.

La réaffectation

La désorganisation structurelle pose certains problèmes propres à la réaffectation. Dans les meilleurs cas, l’expertise professionnelle de nos membres est mise à contribution. Cependant, plusieurs sont dirigé·e·s vers des tâches génériques telles que la surveillance, la collecte de données, des appels pour confirmer un résultat négatif à un test de dépistage de la COVID-19, etc. Leurs formations et leurs compétences auraient pu être mieux utilisées.

Qu’un·e professionnel·le soit affectée à des tâches relevant de son champ d’expertise ou non, il·elle reste professionnel·le en tout temps. Ainsi, ses responsabilités déontologiques visant à assurer la protection du public demeurent, quoique parfois allégées. Plusieurs ordres professionnels ont d’ailleurs émis des précisions à cet égard.

Par exemple le travailleur ou la travailleuse social·e qui, en distribuant des repas, est témoin de maltraitance ou de détresse psychologique doit utiliser son savoir-faire pour aider la victime. C’est pourquoi il faut s’assurer que la personne réaffectée ait la latitude de le faire, en mettant une note dans le dossier de l’usager·ère par exemple.

Vers un retour à la normale

S’il existe des dangers physiques liés à la COVID-19 lors d’une réaffectation, il existe également des risques psychosociaux lors du retour aux tâches normales. Les salarié·e·s revenant d’une réaffectation en CHSLD peuvent être plus vulnérables et épuisé·e·s. D’où l’importance d’obtenir des vacances et un soutien psychologique adéquat.

Un ressac est aussi à prévoir. L’accumulation de certains dossiers et leur complexification peuvent avoir pour conséquence une augmentation considérable de la charge de travail. De ce point de vue, les risques de surcharge de travail et d’un accroissement des blessures doivent être modulés par une planification adéquate.

Les salarié·e·s doivent disposer du temps nécessaire pour surmonter cette situation. Faire le tour des dossiers, communiquer avec les usager·ère·s et faire les suivis et ajustements nécessaires demande du temps. Les mesures d’attraction et de rétention de la main-d’œuvre mises en place pendant la crise doivent continuer après la pandémie de manière à permettre une reprise efficace des activités régulières.

Le retour aux activités normales – ou du moins relevant d’une nouvelle normalité – doit être planifié avec le personnel professionnel concerné. Une évaluation contextuelle et multifactorielle permettra un meilleur retour aux tâches habituelles. Ce plan devrait aussi permettre à nos membres d’avoir le temps nécessaire pour se réapproprier leur charge de travail respective.

Contrairement aux conditions de travail modifiées par la suspension partielle des conventions collectives, les obligations professionnelles restent inchangées. Que vous soyez membre d’un ordre ou pas, vous avez à cœur de protéger le public. L’expertise professionnelle et le jugement clinique constituent des atouts clefs au regard de la situation actuelle. Il faut donc les protéger et les utiliser à toutes les étapes.

Rédaction Christophe Vaillancourt | 18 juin 2020