Croire en la deuxième vie… des objets

Croire en la deuxième vie… des objets

Le large éventail des emplois occupés par les salarié·e·s que représente l’APTS ne finit pas de nous surprendre − et encore plus quand on découvre la vraie nature de leur travail. Prenez le technicien en environnement* Michel Perreault. Il s’occupe de transport, de développement durable et de gestion des déchets. Mais pas n’importe comment!

Au centre hospitalier de St. Mary, où il travaille depuis 34 ans, Michel Perreault est connu dans tous les services. Il fait office de « police verte », rappelant l’importance d’éviter le gaspillage et sollicitant − ou proposant − la mise en place de mesures pour y parvenir. Ce passionné croit en la deuxième vie des objets. Au-delà du recyclage, il cherche à valoriser tout le matériel que rejettent les équipes de soins qui, bien sûr, n’a pas été contaminé. Par exemple, il y a beaucoup d’emballage qui peut trouver dans un deuxième temps d’autres fonctions.

Pour l’aider dans sa courageuse entreprise, Michel compte sur des bénévoles qu’il forme et coordonne avec un leadership fort convaincant. Qui résisterait à quelqu’un qui ne compte pas ses heures et assume une telle charge de travail avec un pareil enthousiasme?

« J’ai eu la chance incroyable d’avoir pu bénéficier de la latitude nécessaire pour créer mon emploi de façon à pouvoir mettre mes valeurs et mon imagination à contribution », reconnaît-il. Quoi de plus satisfaisant en effet, pour un autodidacte comme lui, que de pouvoir utiliser sa débrouillardise et son inventivité pour trouver sans cesse des usages inédits et de nouveaux preneurs pour tout ce qui deviendrait autrement déchet et perte sèche.

Pas étonnant que le centre hospitalier de St. Mary ait obtenu au fil des ans plusieurs attestations, de différents niveaux, de Recyc-Québec. Les pratiques qui y ont cours sont uniques dans le réseau de la santé. Les patrons de Michel déplorent que les efforts de récupération ne soient pas du même niveau dans les autres installations du CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal. Difficile pour un seul homme d’assurer avec la même intensité le suivi avec autant d’équipes et de bâtiments. Le capitaine a beau être d’un rare dynamisme, il manque assurément de moussaillons pour effectuer la multitude de tâches que requiert la réduction des déchets.

Michel Perreault n’en démord pas : c’est un investissement qui rapporte. « Chaque kilo de moins qui va à l’enfouissement est une économie puisqu’il faut payer selon le poids pour nos déchets à enfouir. »


Les trois matériaux (verre, plastique et métal) présents dans les flacons qui contenaient les vaccins et médicaments administrés sont recyclés séparément.

C’est pourquoi toutes les opérations qu’il coordonne sont dûment consignées, incluant les entrées d’argent provenant de certains de ses récupérateurs. Il a constitué tout un réseau d’organismes et d’entreprises d’économie sociale qui sont preneurs pour tout : les meubles, le matériel informatique, le plastique, le verre, le métal, etc. Même le polystyrène est recyclable!

Toujours à l’affût de nouvelles idées, Michel s’intéresse d’ailleurs à l’usage qu’en feront ces récupérateurs. « Plus qu’un travail, c’est une passion, n’hésite-t-il pas à dire. Pour faire vivre le concept d’économie circulaire, il faut être en mode d’amélioration continue. »

L’homme est en campagne perpétuelle pour une cause qui devrait tous et toutes nous concerner. Il effectue quotidiennement un travail d’éducation et de persuasion pour changer les habitudes bien ancrées et pour contrer la facilité du « tout à la poubelle ». Il invite les responsables des services à réfléchir : pourquoi ne pas penser à récupérer avant d’acheter neuf, pourquoi ne pas réclamer des fournisseurs des pratiques qui réduisent le gaspillage?

S’il rencontre bien sûr des résistances sous prétexte d’efficacité, de manque de temps et de personnel, son insistance porte parfois fruit. Il a ainsi obtenu la création d’un Fonds vert, alimenté par les revenus des ventes de matériel récupéré, qui permet de financer des initiatives modèles.

C’est grâce à ce Fonds vert que des opérations de plantation d’arbres ont été réalisées et que des ruches ont pu être installées sur les toits de plusieurs centres hospitaliers.


En 2019, cinq hôpitaux du territoire du CIUSSS se partagent les 1 000 arbres plantés en partenariat avec le Jour de la Terre. On prévoit en planter jusqu’à 15 000 autour des sites du CIUSSS au cours des deux prochaines années, une première dans le réseau québécois. Pour Michel, la visibilité obtenue pour cette opération représentait une occasion de faire connaître l’ensemble de la démarche de récupération qu’il pilote.

Nous l’avons rencontré dans son local au rez-de-chaussée du centre hospitalier de St. Mary, à la veille de la récolte estivale du miel produit par la dizaine de ruches réparties entre cinq centres hospitaliers. Les 80 à 100 pots de miel seront ensuite vendus au profit du Fonds vert. Tout comme les sacs fabriqués à partir des tissus bleus ayant servi à la stérilisation au bloc opératoire.

D’autres « richesses » récupérées grâce à l’ingéniosité du technicien en environnement et au labeur des multiples bénévoles et partenaires qu’il a mobilisé·e·s seront offertes gratuitement à des œuvres humanitaires, ici comme à l’étranger.

Il ne reste plus qu’à espérer que cet exemple ait un effet d’entraînement et que le réseau devienne un terreau propice à l’éclosion d’autres oiseaux rares comme Michel Perreault.

* Dans la Nomenclature des titres d’emploi, le poste de Michel Perreault est celui de technicien en prévention

Photos: Plantation d’arbres à l’Hôpital Sainte-Anne par une trentaine de bénévoles, sous la supervision de Michel Perreault.  

Rédaction Chantal Mantha | 26 septembre 2019