Amorce de réflexion face à un monde en crise

Amorce de réflexion face à un monde en crise

Le 20 mars dernier, en marge d’un conseil général de l’APTS, la délégation était invitée à choisir entre trois conférences proposées pour lancer la réflexion devant mener à l’élaboration d’une nouvelle plateforme politique pour l’organisation.

Nous avons demandé à trois représentant·e·s de la relève intellectuelle québécoise de stimuler des échanges autour de trois crises qui devraient nous interpeller.

Crise des institutions et populisme : repenser notre rapport à la démocratie

L’économiste, Simon Tremblay-Pepin

« Les choses vont-elles en s’empirant dans la sphère publique? », a lancé d’emblée Simon Tremblay-Pepin aux personnes venues participer à la discussion sur le rapport entre le populisme et la démocratie.

Car selon lui la crise économique, politique et environnementale existe depuis plusieurs décennies, mais nos dirigeants nous laissaient jusqu’ici croire que tout était sous contrôle. La prise de conscience actuelle de ces problèmes apparaît – étrangement – comme du populisme. Mais les populistes sont de tous les horizons, de l’extrême-gauche à l’extrême-droite, rappelle le conférencier, professeur à l’Université Saint-Paul. Quand on critique le populisme, note-t-il, c’est souvent pour exclure la parole citoyenne et protéger celle des « experts » de la politique. Les jeunes qui sont descendu·e·s dans la rue en 2012, c’est aussi ça le populisme.

Il met en garde les syndicats qu’on pourrait confiner à un rôle d’experts des relations de travail qui négocient de bonnes relations de travail, exclus ainsi de tout débat politique. Simon Tremblay-Pépin les invite plutôt à donner la parole aux citoyen·ne·s que sont leurs membres, à contribuer à leur conscientisation politique et à leur fournir des outils pour agir.

Il invite les syndicats à se donner des objectifs politiques qui les rallient, à déplacer l’insatisfaction de la population envers le système de santé vers l’action, à orienter la mobilisation de leurs membres vers des buts plus larges que la seule amélioration de leurs conditions de travail.

Après tout, fait-il valoir, la dette des ménages, ce transfert de la dette publique vers une dette privée, est la nouvelle oppression, un obstacle à la liberté d’agir des citoyen·ne·s.

Pour l’économiste engagé qu’est Simon Tremblay-Pepin, la crise populiste est une occasion à saisir. « Les plaques tectoniques bougent. Il faut en profiter pour attiser la colère plutôt que l’apaiser, pour rassembler les victimes des différentes crises pour qu’elles se parlent et se fixent des objectifs plus ambitieux. Il faut aller dans la rue pour demander ce dont on a besoin. En exigeant peu, on n’obtient rien. »

Il a invité les participant·e·s à transformer les motifs de frustration et de colère des syndiqué·e·s en revendications sociopolitiques plus larges.

La crise des inégalités : repenser la justice sociale

La sociologue, Julia Posca

La mobilisation contre les grands écarts de richesse qui a suivi la crise financière de 2008 et le mouvement « Occupy Wall Street » de 2011 sont loin derrière nous. Après avoir fait ce triste constat et celui de la persistance des écarts importants dans le partage de la richesse, Julia Posca a guidé les discussions vers la recherche de pistes de solution. Prenant appui sur une vaste solidarisation locale et internationale des forces progressistes pour prendre le pouvoir et favoriser une plus juste redistribution, les propositions ne manquaient pas d’ambition :

  • Revoir le rapport au travail en réduisant le temps de travail et en favorisant le mode coopératif d’organisation du travail
  • Miser sur des stratégies à développer au sein des communautés et sur l’occupation du territoire (troc, monnaie locale, …)
  • Contrer l’étalement urbain
  • Décentraliser les ressources et la prise de décision pour réduire les inégalités face à la santé
  • Remettre en question le mode salarial comme assise principale de redistribution de la richesse collective

Ces idées se sont heurtées aux enjeux du vieillissement de la population, de la pénurie de main-d’œuvre et de la relative disparition de la question des inégalités sociales dans le discours politique. Effectivement, les solutions devront être ambitieuses…

La crise du travail

La chercheure, Jennie-Laure Sully

Jennie-Laure Sully a un parcours éclectique. Détentrice d’une maîtrise en sciences biomédicales, elle a œuvré dans le milieu communautaire ainsi que dans les centres de recherche clinique en milieu hospitalier. D’entrée de jeu, elle a su attirer l’attention de l’auditoire en y allant de cette boutade : que pensez-vous de l’expression « Le travail, c’est la santé »? Clairement, la réponse pour bon nombre de nos membres qui croulent sous la surcharge, est que c’est faux.

Selon la chercheure, qui connaît bien les réalités du milieu hospitalier, on doit reprendre le contrôle de cette sphère pour en faire un vecteur de solidarité et de réalisation. Elle avance l’idée de viser une réelle démocratisation du réseau pour que les salarié·e·s et les usager·ère·s en soient véritablement le cœur.

Elle souligne par ailleurs que même si nous avons déjà mené bien des combats en droit du travail, la situation de la main-d’œuvre migrante mériterait davantage d’attention de la part des syndicats. « Les personnes migrantes préposées aux soins sont souvent placées dans des situations précaires et n’ont aucun recours. Les agences privées qui les embauchent tendent à les maintenir dans un système inégal. » Elle nous invite en fait à construire des liens de solidarité plus étroits entre nous, mais aussi avec l’ensemble du personnel, afin de redonner du sens au travail que nous effectuons.

En ouverture : Les conférencières Jennie-Laure Sully et Julia Posca, et le conférencier Simon Tremblay-Pepin.

Rédaction Chantal Mantha | Collaboration Fabienne Chabot, Philippe Hurteau, Vicki Milot | 18 AVRIL 2019